Nous quittons La Réunion le jeudi 25 septembre, à 15h30, après un café partagé avec Chantal et Louis-Paul venus très amicalement saluer notre départ, non sans nous avoir gâtés de quelques bons produits locaux.
Retrouvailles après 50 ans
Crédit photo, Louis Paul
Nous rejoignons, le long de la côte, l’Outremer 45 qui, en observateur quotidien des bancs de cétacés, a bien voulu nous signaler sa position. Nous y observons les évolutions d’une baleine et de son baleineau sur fond de décor du Marion-Dufresne, sans doute en départ de mission vers les terres australes, puis mettons le cap sur le nord de Madagascar. Nous abandonnons une île de La Réunion, somptueuse sous le soleil couchant, qui s’efface peu à peu sous l’effet des milliers de lumières qui tapissent les flancs de la montagne. Mais, fi de la poésie du moment, le vent force et nous pousse à 35-40 nœuds sur une mer désordonnée.
Adieu à nos belles journées réunionnaises
Le vendredi matin, Luc s’illustre par la prise simultanée de deux poissons, un thon jaune et un wahoo, capturés sur un haut fond dit « La Pérouse sea-mount ». Mais trop c’est trop et nous nous empressons de remettre à l’eau le wahoo, pas trop mal en point, en espérant qu’il pourra sauver sa peau : good luc(k) ! Hormis ce trait exemplaire, vendredi et samedi sont des journées de petites misères : le dessalinisateur jusqu’alors si fidèle nous fait faux bond et nous oblige à rentrer dans un régime de consommation d’eau douce minimaliste (l’eau de mer, elle, reste disponible à volonté). Notre précieuse poulie volante disparaît sans préavis : c’était sans doute sa vocation mais nous regrettons de la savoir à jamais perdue au fond de l’Océan Indien. Enfin, le jour même, à 19h30, entre carpaccio de thon aux baies roses de l’île Maurice et tarte aux pommes des demoiselles Tatin, le spi se déchire à nouveau par 15 nœuds de vent, sans doute en raison d’un point de faiblesse de la bordure : la réparation réunionnaise aura été de courte durée et il nous faudra finir la saison en nous privant des rondeurs de cette voile si utile et agréable par vent portant.
Le spi : séchage et inventaire
Le lundi, la longue côte malgache refuse de se laisser percevoir sous notre vent. Après deux journées grincheuses, soleil et brise sont revenus. C’est une journée brillante et tonique qui s’offre à nous, avec sa mer au bleu agité où brisent les écumes et ses ciels sans cesse bouleversés par le transit des nuages. Un cargo croisé au large signale la présence à son bord d’une garde armée, preuve que, de nos jours, la piraterie reste un sujet de préoccupation dans certaines zones de l’Indien. A tribord de notre route, nous avons laissé l’île Tromelin où le naufrage de l’Utile fut à l’origine d’un des épisodes maritimes les plus sinistres et les plus cyniques de notre histoire maritime française, puis à bâbord la grande baie de Diego Suarez où fut fondée, par un moine défroqué en mal d’idéal et un jeune pirate en mal d’aventure, la société utopiste de Libertalia qui se voulait en opposition au régime très inégalitaire du roi Louis XIV.
La nuit se poursuit sous un élégant quart de lune qui éclaire le cap d’Ambre en lieu et place du phare en titre qui semble, lui, inscrit au registre des feux très intermittents. A notre grande surprise nous passons ce cap réputé peu fréquentable, sur une mer et sous un vent relativement calmes et, en tout état de cause, sans difficulté aucune.
Le lever de soleil sur Madagascar, mardi 30 au matin, laisse présager de la beauté de l’île. Dès notre entrée dans le canal du Mozambique, un barracuda s’accroche à la ligne ; les baleines, heureusement plus prudentes, se donnent généreusement en spectacle avant de laisser place aux bancs de thons qui se déplacent par centaines sur le plan d’eau.
Lever de soleil sur Madagascar
Barracuda
Dans l’après-midi, nous mouillons dans la baie déserte de Maribe située dans une magnifique échancrure de la belle île de Nosy Mistio. Malgré une nuit bien courte, Dominique et Luc s’attaquent à la délicate réparation du dessalinisateur. Leur succès est un soulagement pour nous tous et un gage de confort pour les semaines à venir.
Une séance d'entretien qui nous rappelle le même patient travail effectué
par nos amis Fred et Gérard à Puerto Montt (Chili) en 2012
Un jeune piroguier avec lequel nous échangeons cahiers et stylos contre coquillages nous propose des langoustes qu’il nous livrera le lendemain au petit jour. La baignade de fin de journée est la bienvenue mais le barracuda, pourtant dégusté dans un cadre de rêve, ne nous laissera pas un souvenir impérissable.
Notre première rencontre malgache
Le mercredi 1er octobre, nous partons à 7h30 pour rejoindre Nosy Be à quarante milles de là. Vu de mer, le cadre des îles et de la terre est d’une grande beauté. Nous pêchons un thon, glissons entre les étonnants profils des îles des Quatre Frères et arrivons en milieu d’après-midi devant le phare de Nosy Vauru qui pourrait être le coup de cœur des plus jolis phares de notre tour du monde, quitte à laisser à son confrère du Cap Horn une place d’honneur, noblesse oblige.
Le joli phare de Nosy Vauru
Elisabeth essaie de se remettre d’un été lourd en fatigues de déménagements et emménagements. Son séjour à bord n’est qu’une étape de ses nombreux voyages terrestres et maritimes, elle dont les pérégrinations, dixit un ami saint-vaastais, sont plus difficiles à suivre que celles d’Alioth, qui lui, au moins possède une balise. Notre fils Guillaume est arrivé à Tananarive le 30 septembre et nous sommes bien impatients de le retrouver. Mon cousin Hubert nous rejoindra lui, le 7 octobre et c’est donc à six que nous allons tenter de découvrir les beautés et la réalité de la grande île.
Elisabeth médite face aux rochers des Quatre Frères
Les démarches administratives ont eu lieu sans complication particulière. Nous préparons nos excursions à terre et pour le moment elle se déroule mora, mora* pour nous la vie malgache…
mora mora : doucement, doucement
PS : notre amie Cécile Raynal présente une grande rétrospective de son œuvre à Rouen : ses sculptures s’exposent au palais de justice, à l’opéra, au conseil régional, au musée des beaux-arts… Cours-y vite, cours-y vite, elle va filer…
Et pour les plus parisiens d'entre vous, Cécile Raynal expose avec le peintre Tibo Streicher en octobre et novembre 2014 dans les locaux d'OFI Asset Management, 22 rue Vernier - 75017 Paris
PPS : les photos sont sur l’album S6 10 – De La Réunion à Madagascar