Arielle et Dominique rentrés sur Paris après avoir effectué différentes explorations de l’Amérique du sud (désert d’Atacama, Ile de Pâques, Machu Picchu) en compagnie d’Elisabeth et Jean François qui furent nos premiers co-équipiers de la saison, nous avons Luc et moi, abandonné Alioth durant un petit mois, pour entreprendre une promenade de terriens sur le chemin des Incas. Il nous a suffi d’une carte d’Amérique du sud, d’un guide (rapidement perdu en cours de route), d’un sac à dos chargé de quelques affaires (moins de 10kg chacun) et du fantastique réseau de bus qui sillonnent l’Amérique du sud pour remonter de Valparaiso au nord du Chili, puis traverser les Andes pour rejoindre le nord de l’Argentine, de là passer en Bolivie puis au Pérou pour redescendre enfin à Valparaiso.
Voici des petits chapitres illustrés que vous pourrez parcourir selon vos centres d’intérêt.
Les Andes
Les Andes sont la colonne vertébrale de l’Amérique du sud. Elles s’étendent sur 7000km, du nord au sud du continent et culminent au mont Aconcagua à 6959m d’altitude. Il y a quelques centaines de millions d’années, l’Amérique du Sud n’était qu’une immense plaine, partiellement envahie par les eaux de l’Atlantique.
Contrairement à ce que l’on pense, surtout lorsqu’on vit en France où le sol est particulièrement stable, la terre, animée par le magma qui brûle en son centre, est en constante évolution. C’est ainsi que la plaque tectonique de Nazca, située au fin fond du Pacifique et dont le mouvement pousse toujours actuellement vers l’est, est venue, à une époque très ancienne, buter sur le continent sud américain, compressant la terre et provoquant la formation de la Cordillère des Andes.
C’est ainsi que de nombreux volcans se sont formés : il y en a 150 en activité au Chili, soit 10% des volcans actifs de la planète. Dans ce type de terrain, les failles de la croûte terrestre laissent apparaître des geysers sous forme de fumeroles ou de jets d’eau bouillonnante provenant du contact des eaux de pluie infiltrées avec un sous-sol constitué de pierres très chaudes.
Si l’eau sort le plus souvent à 80 ou 85°, on peut aussi se baigner à 4000m d’altitude dans des piscines d’eau naturelles à 35°.
Il arrive également que ce soit de la pierre en fusion qui s’échappe sous forme de grosses bulles de chewing-gum grises qui éclatent à la surface.
Lors de la formation des Andes, l’eau de l’Atlantique, piégée entre les sommets, a par ailleurs donné naissance à de gigantesques lacs d’eau salée. L’eau s’est évaporée petit à petit laissant sur place d’immenses étendues de sel qu’on appelle, les salars, dont certains sont lourdement menacés par l’exploitation du lithium, très utile à l’industrie électronique et qu’on trouve ici en très grande quantité.
Hormis ces particularités, il faut souligner qu’une bonne partie de ce magnifique territoire est totalement désertique. Lors de notre voyage de retour, nous avons traversé environ 2000km de déserts, parfois ponctués d’oasis, mais aussi souvent équipés d’installation minières assez tristes (et laides) destinées à l’exploitation des matières premières dont le sous-sol est riche (cuivre, argent…).
Dans le désert, un restaurant qui porte mal son nom....
Les dinosaures
Revenons à l’époque où l’Amérique du sud n’était qu’une vaste plaine. Il y a 235 millions d’années y apparurent des animaux que beaucoup d’entre vous aimez voir au cinéma ou sous forme de jeux électroniques mais redouteraient de rencontrer en réalité (à vrai dire, nous aussi) : les dinosaures.
En Bolivie, existe un site tout à fait exceptionnel, qui permet de voir des traces de dinosaures fossilisées. On décompte ainsi sur une paroi de plusieurs centaines de mètres de large 5055 empreintes de pattes (dont certaines font 70cm de diamètre) et 462 cheminements continus de 8 espèces différentes de ces géants du monde animal. La route habituelle qu’ils empruntaient à l’époque s’est trouvée soulevée lors de la formation de la Cordillère des Andes pour se retrouver inclinée à 70° du sol ce qui permet d’en faciliter l’observation.
Un musée reproduit, à proximité de la paroi, des dinosaures en taille réelle sous forme de « térépodes » aux petites pattes courtes à l’avant (comme les kangourous), de « titanosaures » qui, comme leur nom l’indique, sont les plus grands, les «anquilosaures » qui ont de grosses écailles saillantes sur le dos… On y apprend, mais peut-être le saviez-vous déjà, que les herbivores ont des grosses pattes type pattes d’éléphants alors que les carnivores sont dotés de doigts griffus : logique quand on y pense !
Il y a 65 millions d’années, une énorme météorite s’est écrasée dans le golfe du Mexique (entre Amérique du nord et Amérique du sud) créant un gigantesque tapis roulant de fumée et de poussière qui a parcouru tout le territoire comme un ouragan et marqué l’extinction des dinosaures. Seuls les dinosaures ailés ont pu survivre donnant ainsi naissance aux oiseaux : jolie fin de l’histoire !
Les habitants
Les natifs d’Amérique sont des indiens -ainsi dénommés par Christophe Colomb qui, parti vers l’ouest, se croyait arrivé en Inde sans se douter que bien des terres et mers le séparaient encore du continent asiatique. Les Indiens ont pris l’habitude de vivre en grande altitude car, compte tenu de la latitude, la végétation pousse ici jusqu’à 5000m.
Les natifs de ces régions font perdurer leurs traditions : des costumes très colorés, de grandes fêtes masquées en l’honneur de la lune ou du soleil accompagnées des rythmes et musiques des Andes dans laquelle la flûte de Pan a une place privilégiée. Ils ont un savoir faire tout à fait extraordinaire dans la confection de textiles tissés à partir des laines de lamas, de vigognes ou d’alpacas.
Masques du soleil et de la lune
Les choltas, les femmes qui s’habillent de manière traditionnelle, portent des jupes plissées qu’elles superposent en plus ou moins grand nombre selon la saison car il peut faire très froid l’hiver sur l’altiplano, la région des hauts plateaux qui se situe à 4000m au milieu de la Cordillère. L’awayo est un grand morceau de textile tissé et carré, très coloré qu’elles mettent sur leur dos pour porter leurs jeunes enfants, les légumes destinés au marché ou tout simplement leurs affaires (mais pas forcément tout en même temps !)…
Elles ont, surtout en Bolivie dans la région de La Paz, la capitale la plus élevée du monde, une tradition de port d’un petit chapeau melon sur le crâne. Il est très petit pour leur tête et tient sans aucune attache ce qui relève d’un certain sens de l’équilibre. Ces petits chapeaux melon sont le résultat d’une drôle d’histoire. Il y a bien longtemps de cela, un colon installé en Bolivie avait commandé en Europe des chapeaux melon mais le fournisseur s’étant trompé dans la commande, il reçut des chapeaux en telle quantité qu’il ne savait qu’en faire. Alors il lança la nouvelle que ce chapeau était le tout dernier accessoire féminin à la mode en Europe et qu’il fallait absolument s’en procurer : c’est ainsi que les femmes, victimes d’un boniment de commerçant, ont fait de ce chapeau une des caractéristiques de leur toilette… Mais tout ceci se perd et les femmes jeunes revêtent de plus en plus souvent la tenue internationale, jean et tee-shirt, commune aux habitants des quatre coins de la planète.
Les enfants sont bruns aux yeux noirs, légèrement bridés. Si notre petite fille Charlie pouvait facilement se faire passer pour une habitante des hauts plateaux des Andes, nos petits fils Alexandre et Raphaël, les petits blonds aux cheveux frisés, ne cesseraient d’intriguer dans le paysage. Les enfants vont à l’école en uniforme et le plus souvent dans des établissements séparés : les filles d’un côté, les garçons de l’autre. Là-bas aussi, il arrive parfois aux enfants d’être en retard…
Dans une école de Potosi (Bolivie) où nous sommes autorisés à entrer, le surveillant général malgré son grand bâton rouge a l’air bien débonnaire et les garçons sont très fiers que nous les prenions en photo.
Ici des petits enfants en costume traditionnel posent pour la photo. En revanche eux sont tristes. Ils sont d’une famille très pauvre et leurs familles les habillent ainsi pour que les touristes les prennent en photo. Le tourisme a des effets qui ne sont pas toujours très positifs et on s’interroge pour savoir s’il vaut mieux donner un peu d’argent ou ne pas encourager ce genre de pratique…
Les Incas
Peut-être avez-vous déjà entendu parler des Incas et du monde pré-Inca ? Ne serait-ce qu’en lisant « Tintin et le temple du soleil » ?
Il s’agit d’une civilisation de peuples indigènes qui vivaient essentiellement dans les Andes centrales et qui a été victime de la colonisation espagnole à la suite de la découverte des Amériques par Christophe Colomb. Beaucoup de mythes fondent cette société dont le berceau serait situé au niveau du lac Titicaca, un immense lac d’eau douce de 162 km de long et 65 km de large, le plus haut du monde, qui s’étend entre la Bolivie et le Pérou. Les Incas, du XIIème au XVème siècle, ont intégré de nombreuses populations -si possible de manière consensuelle, mais sinon par la force…- jusqu’à créer un empire allant du sud de la Colombie au sud de Valparaiso. Ils ont construit un énorme réseau de chemins, de villes et de sites aux très grandes qualités architecturales et aux palais richement décorés d’or, d’argent et de pierres précieuses. Leurs sites les plus célèbres, dont le Machu Picchu, sont localisés au Pérou.
Fins observateurs astronomiques, les Incas ont intégré leur univers terrestre aux données de l’univers cosmique : soleil et astres commandaient l’orientation des bâtiments et la disposition des sites clés de l’empire. Ils ont par ailleurs développé le génie agronomique de leurs ancêtres, lié leur mode de vie à la nature et fait preuve d’une très grande intelligence dans l’organisation de leur société.
Parmi les divinités Incas, figuraient les montagnes. C’était en effet de ces dernières que provenaient les nuages et la pluie, les orages et les éclairs et les Incas leur portaient une véritable vénération. Ils considéraient que les montagnes, dotées de pouvoirs surnaturels, pouvaient se déplacer. Une légende qui nous a été racontée dans le désert d’Atacama au nord du Chili, illustre bien ces croyances. Il s’agit de l’histoire des « dos hermanos », les « deux frères » -mais cette fois, ne vous y trompez pas, il ne s’agit pas de Dominique et Luc !
Los dos hermanos ce sont le Licancabur et le Juriques deux montagnes voisines situées du côté ouest de la vallée de la lune, un immense désert salé au paysage lunaire de l’autre côté duquel se trouve le Quimal que l’on n’aperçoit que de manière très éloignée sur la photo suivante mais qui ressemble un peu à une grosse montagne avachie, vous allez voir pourquoi.
Voici en effet l’histoire que racontaient les Incas à leur propos. Les deux frères, qui étaient de taille semblable, ne cessaient de défier le Quimal en affirmant que leurs sommets étaient les plus élevés. Celui-ci, ne se laissant pas impressionner, soutenait le contraire. Les deux frères passèrent à l’attaque mais le Quimal se défendit vaillamment et ils revinrent chez eux penauds. Pour se venger le Quimal prit sa hache, se dirigea vers le Licancabur et lui donna tant de coups qu’il en garda de profonds sillons. Puis il se dirigea vers le Juriques et d’un coup de hache décapita son sommet. Alors le Licancabur rentra dans une très grande colère, il partit voir le Quimal et le heurta à la poitrine avec une telle violence que celui-ci s’effondra à moitié en se tassant sur place. Voici des désordres bien étonnants pour des divinités : on dirait presque des histoires humaines…
Nous devons souligner que demeure à Quettehou, au moins en résidence d'été, un grand expert des civilisations pré-colombiennes, notre ami Jean-François, qui nous a fourni une très intéressante documentation sur le sujet avant notre départ.
Les animaux
Dans les Andes centrales vivent des caméléidés (c'est-à-dire des animaux de la famille des chameaux et dromadaires) : dans le sud nous avions rencontré des guanacos ; ici vivent des lamas (les plus rustres), des vigognes et des alpacas.
Lama
Il est amusant de savoir comment les lamas ont hérité de leur nom à l’arrivée des espagnols. Très intrigués par ces animaux qui leur étaient inconnus, les conquérants ne cessaient de demander aux indigènes : « Como se llama ? » (ce qui en espagnol veut dire : « Comment cela s’appelle ? ») au point qu’à la longue les indigènes leur répétaient « llama, llama » et que le nom espagnol de ces animaux devint llama qui en français donna lama. (Notez que le ll espagnol se prononce li)
Du côté du désert règnent les renards mais aussi les viscachas, sorte de gros lapins à longue queue que l’on trouve aussi en altitude.
Les flamants roses sont nombreux du côté des salars. On pourrait penser, à les voir, qu’ils passent leur journée, tels Narcisse, à admirer leur reflet. Mais non, ils consacrent 12 à 13 h par jour à manger de minuscules crevettes qui circulent dans l’eau du salar.
Trois animaux étaient sacrés aux yeux des Incas : le condor (que nous ne vous présentons plus), le puma, un magnifique félin qui semble en voie de disparition, et le serpent. Ces deux derniers, que nous avons eu la chance de ne pas rencontrer, vivent plutôt dans les basses terres amazoniennes de l’autre côté des Andes.
Les plantes
Dans les régions semi désertiques, poussent de grands cactus qui atteignent plus de 10m en croissant au rythme de 2cm par an. Les figues de Barbarie sont également des fruits de cactus délicieux mais nous avons oublié de les prendre en photo.
Les Indiens cultivent traditionnellement la pomme de terre, issue d’Amérique du sud, et dont on dénombre ici plus de 250 sortes ! Le maïs fait également partie de l’alimentation de base et, en altitude, entre 4000 et 5000m se cultive la quinoa qui est une excellente céréale que vous pouvez acheter au supermarché proche de chez vous.
Quinoa
Il faut ajouter que nous sommes en zone tropicale et que les fruits, qui poussent dans la plaine, sont délicieux (mangues, raisins, fruits de la passion, fraises…).
Voici un résumé de notre petit tour à terre. Nous espérons que vous êtes maintenant prêts à aborder l’île de Robinson Crusoé : c’est pour bientôt car Dominique et nos amis Catherine et François arrivent lundi prochain pour entamer la traversée du Pacifique !
Nous vous embrassons en souhaitant à tous un joli printemps et aux CM2 de Quettehou de belles navigations à l’île mythique de Tatihou lors de leur session de voile scolaire qui est maintenant très proche. Nous ferons tout notre possible pour être présents lors de la régate inter-écoles dont il faudra nous rappeler la date.
Christiane (et Luc, fidèle relecteur attentif)
PS : les photos correspondant à cet article sont sur l’album S4 – 5 Promenade andine.