Nous ne disposons que d’une quinzaine de jours pour découvrir « Mada », un pays de 22 millions d’habitants grand comme la France et le Luxembourg réunis. Nous prenons au plus vite nos marques dans le petit port de Hellville*, capitale de l’île de Nosy Be : rencontres avec les équipages très accueillants des trois bateaux voisins Mantra (américain), Fruit de la Passion et …ka (français) ; découverte du café internet, du marché… et de la boulangerie à la française ; contact avec Narcisse qui sera notre guide d’un tour de six jours dans le nord de l’île ; négociation avec le duo indéfectible de Jimmy & Cool qui, après avoir accompagné nos démarches administratives, se propose de surveiller bateau et annexe, d’effectuer un carénage de la coque, sans oublier de prendre en charge notre lessive.
Cool & Jimmy
Mada, côté terre
Le 4 octobre au matin nous partons de justesse avant la fermeture du port due à l’arrivée du Président Hery RAJAONARIMAMPIANINA attendu le jour même à Helville pour inaugurer les nouvelles installations du terminal maritime. Elu depuis quelques mois, « Hery » semble avoir déjà déçu un peuple qui s’exaspère de la pauvreté et de la corruption dont le pays ne semble pouvoir s’extraire.
Le petit port d'Hellville
Nous traversons la baie à 25 nœuds sur un bateau express à destination de la « la grande terre » et de là, partons en expédition sur la nationale 6 en compagnie d’un autre inséparable duo : celui du très sérieux Narcisse et de son exubérant chauffeur, Ismaël.
A l’exception de rares tronçons, la nationale ne ressemble plus qu’à une piste chaotique. Mais la route est belle à défaut d’être bonne et égrène sur notre parcours des formations géologiques exceptionnelles, des immensités vallonnées dominées par des chaînes de montagnes de moyenne altitude pour aboutir à la mythique baie de Diego Suarez, deuxième baie au monde après celle de Rio de Janeiro.
Dans le décor des tsingys rouges
Les caméléons et les makis, les célèbres lémuriens de Madagascar, sont les véritables vedettes de nos randonnées menées dans des forêts d’une densité envoûtante. Les terres rouges, les tsingys* et les rizières vertes, l’ébène et le palissandre, l’arbre pachyderme et le baobab, l’arbre du voyageur -symbole de Madagascar- le cacaotier et l’ylang-ylang se feront les stars minérales et végétales de notre séjour. Quant aux qualificatifs d’endémique, de parasite, d’épiphyte et de semi-épiphyte, ils sont les maîtres mots des guides de la contrée.
Nous sommes hébergés dans des lodges aussi rustiques que sympathiques et à Joffreville, la ville fondée par le Maréchal pour distraire les militaires de l’armée française, nous dormons dans des cabanes lovées dans de grands arbres à litchis. Nous rencontrons les Malgaches dans les marchés, sur les chemins, dans les champs. Ils sont d’une nature réservée mais accueillante quoique vivant, pour 92% d’entre eux, en-dessous du seuil de pauvreté. Les habitats restent traditionnels et sommaires, l’accès à l’eau et au charbon de bois est un sujet de préoccupations permanentes. Quant à l’électricité, la très grande majorité des foyers en est totalement dépourvue. Lundi 6 octobre est jour de rentrée des classes mais de toute évidence, nombre d’enfants ne sont pas scolarisés. Aux difficultés des distances (les Malgaches marchent, marchent, marchent…) s’ajoute celles des droits de scolarité qui constituent un obstacle infranchissable pour un très grand nombre de familles.
Le 4x4 écologique malgache
Droits de scolarité de l'école de l'Espérance : tout un programme !
Notre séjour malgache est par ailleurs le cadre d’un changement d’équipage prévu de longue date. Notre fils Guillaume, arrivé le 30 septembre à Tananarive, profite des beautés de la côte ouest avant de nous rejoindre à Nosy Be. Mon cousin Hubert nous a retrouvés le 9 sur le quai de Helville au retour de notre virée dans le nord. Elisabeth, elle, décolle de Madagascar le 16 octobre pour… repartir en voyage vers l’Italie. Nous lui devons une nouvelle expression à bord : « être allumé du mât ». Ce qui dans l’intention signifiait « avoir allumé le feu de mouillage », fut très vite détourné par l’équipage pour une utilisation beaucoup plus figurée. Notons enfin qu’il y aura un tristement laissé pour compte dans l’aventure malgache : notre spi, déclaré hors d’âge et hors d’usage, mais dont nous espérons qu’il ne sera pas perdu pour tout le monde dans ce pays où tout est si nécessaire.
Mada côté mer
Après un accident de tuk-tuk qui nous a valu de défoncer la barrière d’une école à l’heure de la récréation (heureusement sans faire de blessés !), nous levons l’ancre le 11 octobre pour profiter, à cinq, de la beauté des îles avoisinantes. A la suite des conseils de Jean-Pierre -Fruit de la Passion- qui vit ici depuis des années et qui a édité un guide de navigation fort utile, nous évoluons par petites escales de 15 à 20 milles. Nous nous offrons une longue baignade dans la réserve de Tina Kelly, incroyablement belle et riche en coraux et poissons, où Dominique découvre une splendide tortue marine.
Nous faisons halte à la charmante petite île de Mamoko où les lémuriens vivent au milieu des villageois.
Nous mouillons dans la majestueuse baie des Russes qui doit son nom à l’installation en 1904 de quelques déserteurs de la flotte tsariste en route vers la guerre du Japon.
L’îlot de Niranja, justement dénommé île aux tortues (marines), est un paradis déjà un peu égratigné par le tourisme. Nous y rencontrons, au pied du phare, une classe de maternelle-CP et nous sommes touchés par l'indigence du cadre pédagogique et ldu matériel scolaire à la disposition des enfants.
La baie de Baramahamay apporte de l’eau douce, du miel sauvage et beaucoup de quiétude à la dernière soirée de notre bivouac nautique. Où que nous allions, nous ne nous lassons pas du charme des pirogues et des boutres pourtant si révélateurs de la pauvreté des marins malgaches. Nous souhaitons que le tourisme qui ne manquera pas d’éclore à Madagascar et qui apportera des revenus appréciables à la population sache ménager ce territoire encore si étonnamment préservé. Notre rencontre avec des bateaux traditionnels qui font du « tourisme responsable » ou les démarches très citoyennes engagées par notre guide Narcisse nous laissent espérer en ce sens.
Le 15 au soir pour saluer le départ d’Elisabeth avec laquelle nous avons passé de magnifiques semaines, la table sera royale : king fish et thon pêchés par Hubert qui s’est pris de passion pour la canne à pêche, suivis du fameux gâteau à la fève de cacao réalisé par Dominique. Guillaume arrivera à bord le 16 au petit matin, jour où Elisabeth s’envolera pour l’Europe. Nous enchaînerons alors les préparatifs de départ et le 17, si le temps le permet, nous prendrons notre route pour l’Afrique du Sud. Cette partie de l’Indien ne sera pas la plus aisée, les conflits de vents et de courants rendant la navigation délicate dans le secteur côtier de l’Afrique du Sud. Nous vous donnons rendez-vous à Durban à la fin octobre, après avoir parcouru les 1400 nm de notre route.
Pour vous distraire de l'automne français, un petit rébus :
PS : les photos sont sur S6 11 - Madagascar
*roches érodées en forme de pics