Conclusion de cette première saison nautique et transatlantique, le séjour à Salvador de Bahia se résume à une chaude et intense période préparatoire à l’hivernage du bateau comprenant, entre autres, délicates explorations en tête de mât à des fins de réinstallation de girouette électronique, longue et difficile réparation de la pompe de ballaste, mise en arrêt technique du dessalinisateur, révision du moteur, mise à sec des différents réservoirs, nettoyages intensifs et entretiens de tous ordres…
Après examen des différents possibles, le choix de la marina d’hivernage se porte sur le Terminal Nautico pour son agréable positionnement en centre ville mais aussi pour la présence de Marcello, qui, réputé pour la qualité de ses services, veillera au bateau, en assurera le carénage, l’entretien et la surveillance générale durant notre absence.
Les formalités de police et de douane, assez pointilleuses l’une et l’autre lorsqu’un bateau séjourne en longue durée, exigent un temps administratif non négligeable mais hautement nécessaire : au moindre faux pas, les taxes exigées sont exorbitantes -jusqu’à 105% de la valeur du bateau- et il est recommandé de gérer son dossier avec attention.
Le passage aux différents cash points de l’avenue des Etats Unis relève rapidement de l’exercice quotidien en vue de résoudre une délicate équation puisqu'aux prélèvements brésiliens plafonnés à de très petits montants, font face des exigences de règlements en espèces de la part de tous les prestataires, dont la marina.
Bien sûr la caipirinha n’a pas été exclue du programme, ni quelques visites touristiques dans le vieux quartier restauré du Pelhourino. Le Pelhourino est un lieu fort de Bahia puisque c’est ici, dans cette grande maison/halle, qu'il était procédé à la vente des esclaves : de l’île de Gorée au Pelhourino en passant par les îles du Cap Vert , la mémoire du trafic négrier aura, de son fil d’Ariane, marqué notre parcours transatlantique.
A gauche le musée des Orixas, à droite le Pelhourino devenu Fondation Jorge Amado.
Le Pelhourino a été magnifiquement reconverti dans le cadre d’une fondation consacrée à Jorge Amado dont les savoureux romans ont souvent pour toile de fonds la ville natale et fétiche de l’auteur, Salvador de Bahia. La maison mitoyenne du Pelhourino abrite un autre petit musée dédié, lui, aux Orixas (prononcer ‘Orichas’), déesses et dieux du panthéon Candomblé, lui-même véritable syncrétisme de cultes africains, de rites indigènes et de religion des conquistadors. Iemanda, la déesse de la mer, aura bien sûr toute notre vénération… Sur ce même sujet, le musée afro-brésilien apporte d’autres pièces intéressantes à la difficile compréhension des cultes et de la culture Candomblé.
Représentation de quelques Orixas
Le midi, nous utilisons les services des « restaurants au kilo » qui accueillent les travailleurs bahianais à l’heure du déjeuner et qui pullulent dans le quartier d’affaires qui nous entoure. Excellent rapport qualité/prix pour ces self services dans lesquels la pesée de l’assiette vaut tarification directe de cette dernière. Pour les fruits et légumes, la visite du marché de Sao Joaquim s’impose. La désorganisation y est totale, la boue abondante les jours de pluie mais le spectacle vaut le déplacement et les fruits brésiliens sont un délice absolu : à déguster nature ou pressés, on ne se lasse pas des ananas, mangues, fruits de la passion, kakis…
Après la visite de la très riche église de San Francisco, un détour par le glacier Laporte qui lui fait face est incontournable. Il est même envisageable de retourner chez le glacier sans passer par l’église… Dans la rue on ne peut défaillir pour cause d’inanition ; des échoppes ambulantes se dressent tous les trois pas : au milieu des rémouleurs, des preneurs de tension artérielle, des distributeurs de pacotilles en tous genres… se vendent moult empadas et beignets salés, se fabriquent les jus de canne à sucre, se tronçonnent les noix de coco vertes que l’on boit à la paille …. sans oublier les vendeurs de café qui roulent de très typiques petits chariots à thermos en agitant en oriflamme leur chapelet de gobelets.
Le mardi soir, au Pelhourino, le spectacle est dans la rue. Les orchestres de percussion impressionnent par leurs rythmes, leur habileté et leur niveau sonore. A chacun de suivre en mode danse afro-brésilienne s’il le souhaite mais les sages membres du team Alioth se sont pour l’heure contentés de la position de spectateur.
Et puis notre séjour à Bahia a été le fruit d’une riche rencontre : celle de Manfred, cet autrichien qui à 18 ans n’avait encore jamais vu la mer et qui, quelque 50 ans plus tard, sur son joli et solide « Maus » sillonne l’Atlantique sud en solitaire avec une prédilection pour la Géorgie du Sud dont il nous offrira un magnifique film souvenir de sa navigation. Manfred est un homme de grande expérience qui nous donne une foultitude de conseils, parle un nombre incroyable de langues et se fait l’aide et l’interprète de tous sur le ponton. Et s’il séjourne longuement à Bahia chaque année c’est qu’il y a rencontré Silvana, autre très belle personnalité, qui nous fait l’honneur et le plaisir de nous inviter à découvrir son univers de travail, le « Nucleo de Pluralidade Artistica – NUPA », un centre de formation assez unique au sport, à l’art, à la technique et à la culture situé dans un quartier populaire de Salvador. Créé par un mécène il y a 60 ans sous forme de fondation, il offre aux jeunes et aux enfants, sur un territoire de près de 5ha, une intelligente alternative à la violence de la rue. Le Centre joue par ailleurs la mixité des générations en accueillant également un public d’adultes. C’est ainsi qu’au spectacle où nous fûmes invités, Lili, 84 ans, évoluait sur scène avec jeunes et enfants dans un émouvant climat de complicité. Chance, Manfred ne repart vers le grand sud qu’à la mi-octobre et nous nous faisons une joie de pouvoir le retrouver en compagnie de Silvana à notre retour. Les amateurs de navigation vers la Géorgie du Sud peuvent consulter : manfredmarktel.blogspot.com
Autre activité de ce séjour, la préparation de la « rentrée » de septembre. Au programme et en ouverture, une petite régate Recife - Fernando de Norohna pour une remise en jambes suivie d’une prolongation de quelques jours sur la magnifique île de Fernando de Norhona. Puis retour à Bahia pour une sortie de l’eau et un sérieux carénage. Trois petits tours dans la jolie baie de Bahia et puis route vers Rio, le tout avec l’espoir qu’Arielle, qui savourera d’ici peu les plaisirs de la retraite, puisse enfin nous rejoindre.
Ces quelques lignes s’achèvent dans l’avion qui nous ramène vers Paris. Un retour plein de bonheur qui en deux coups d’aile et onze petites heures de voyage nous fait revivre en grand accéléré notre longue descente.