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1 décembre 2011 4 01 /12 /décembre /2011 22:05

Nous partons de Mar Del Plata à 12h 30 le lundi 21 novembre. Le temps est brumeux et la drague « Mendoza », déjà croisée la veille, nous salue amicalement d’un coup de sirène. L’après-midi se passe au près, sous grand voile et solent, dans une mer passablement agitée. La nuit, le vent tombe et, sous gennaker, nous progressons à petite vitesse vers notre objectif : la Caleta Horno qui, au nord du grand golfe San Jorge, est réputée offrir le meilleur abri de toute la côte. Le calendrier et les impératifs météo nous poussent en revanche à abandonner le projet d’une halte à la Péninsule Valdès haut lieu des baleines, des phoques et des dauphins.

Le mardi fait partie de ces journées que tout plaisancier rêve de vivre en mer : vent portant et constant, spinnaker, large soleil, ballets de dauphins, douceur de la température. Nous profitons intensément de ces conditions qui s’évanouiront irrémédiablement sous la pression de notre descente vers le Sud. La journée se conclut dans une ambiance particulièrement enthousiaste où se mêlent plaisir partagé du programme, joies de la navigation du jour, satisfaction d’un bateau si parfaitement opérationnel et bien d’autres sujets encore. Un dîner de gala marque les festivités du passage des 40° Sud (rapidement suivies du franchissement des 60° Ouest) accompagnées d’un San Huberto, le cru argentin naturellement devenu le favori du bord en hommage à notre jeune équipier.

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La nuit même, le quart de 22h à 01h se passe sous vent de nord-ouest de 15 nœuds mais peu de temps après, un orage éclate. Le vent monté à 40-45 nœuds impose de réduire rapidement la voilure. La mer est très désordonnée et les vagues balaient le pont et le cockpit avec violence. Luc est à la barre, Dominique installe l’ORC sur la plage avant et Christiane, aux drisses et écoutes, effectue un brutal vol plané arrière en bordant l’écoute de GV (effet classique du bout qui vient plus vite qu’on ne l’attendait…). Heureusement, Elisabeth est prête à prendre la relève car l’omoplate fracturée à l’occasion de la chute est un peu disqualifiante, et pour quelques semaines, pour la manœuvre. A partir de là nous prendrons l'habitude de naviguer en conservant l'ORC hissé lorsque nous naviguons sous solent : un coup d'enrouleur et le triangle avant se trouve immédiatement réduit et opérationnel.

Globalement les vents sont ici très instables, tant en force qu’en direction, et souvent bien éloignés des prévisions météo. On est ainsi sous GV et solent, le vent monte à 25 nœuds, on réduit mais à peine la manœuvre terminée, le vent chute à 10 nœuds. On enchaîne en relâchant le ris mais aussitôt le vent repart et il faut à nouveau réduire. Ou bien le vent passe subitement de 10 à 120° pour évoluer ensuite vers l’ouest et revenir de secteur nord, le tout conjugué avec les variations de force précitées.

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Jeudi, le vent annoncé n’est pas au rendez-vous mais nous sommes fascinés par l’orchestration de vols d’oiseaux auxquels s’invitent « nos » premiers albatros. Premier poisson aussi puisque les pêcheurs du bord -Luc et Hubert- retirent de leurs lignes… un gros calamar qui sera prétexte à un pompeux  risotto aux fruits de mer. Les journées sont agréablement longues : lever du soleil à partir de 5h et coucher vers 21h. En revanche, la température fraîchit au fur et à mesure de notre descente et polaires et équipements en goretex ont fait leur apparition sur le pont.

Nous arrivons le vendredi 25 novembre à 18h à la Caleta Horno après une difficile navigation au près sous deux ris et ORC. L’entrée est étroite et nos amis de « Pégase » nous accueillent à la VHF. Ils attendent le vent du Nord depuis trois jours et repartiront de bonne heure le lendemain matin.

La journée de samedi, tous les ateliers sont ouverts pour une journée de travail intense avec l’espoir de pouvoir repartir le jour-même : couture car les voiles ont souffert (merci Marie-Ange et Thibaut pour la machine à coudre très efficace !), nettoyage complet du puits de chaîne et de son évacuation, accastillage, vérification en plongée de l’hélice du moteur…

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100 2899La caleta est superbement aride et escarpée. A la rencontre de deux monstres d’austérité, l’Atlantique sud à l’Est et la pampa sèche à l’Ouest, nous déjeunerons dans le cockpit dans l’exclusivité d’un décor hors du commun.

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Le soir, nous sommes vraiment fiers de nous : on a fait « tout, tout de la to do » et décision est prise de partir avant la nuit. En période d’apprentissage des amarrages du Sud, il nous faut ramener à bord les 200m de bout qui consolident sur deux enrochements les positions de notre mouillage. Hubert, chargé de la mission, revient vaillamment avec 100m de bout sur son étroit kayak gonflable, les autres 100m pouvant se larguer directement du bateau. Il faut par ailleurs rehisser le solent, réparé durant la journée, mais lors de l’opération le « messager » casse et le solent est hors jeu pour la suite de la partie : nous devrons impérativement nous arrêter à Puerto Deseado.

Reste à relever l’ancre. Ce qui procède habituellement de la formalité, frôle ce soir là la catastrophe : le guindeau nous lâche alors que nos amarres à terre sont bien sûr larguées. Il faut remonter l’ancre… à la force des bras et au risque des mains dans un couloir étroit où la mer est au plus bas et où les rochers au plus proche. L’ancre résiste longuement mais dérape enfin ce qui rend l’opération possible. Ouf ! Il faut avouer que chacun a vécu un vrai moment de stress et que la remontée du mouillage a nécessité un effort physique intense. Il est près de minuit lorsque nous pouvons respirer de soulagement en mer sur des vagues dont les incroyables fluorescences semblent se faire le reflet des étoiles. C’est le moment de se réconforter d’une solide platée de spaghettis et de tirer un grand coup de chapeau à nos deux équipiers, Elisabeth et Hubert, qui ont plus que jamais donné au cours de cette journée harassante.

La distance pour Puerto Deseado est réduite (165 milles) et nous y parvenons le lundi au petit matin. « Nos » premiers manchots nous saluent en nombre sur la rive sud de la rivière et nous sommes encore ignorants des nouvelles aventures qui nous attendent dans ce port perdu de la côte argentine.

Hasta pronto !

 

PS : les photos correspondant à cet article sont enregistrées sur l'album S3 - 3 : de Buenos Aires à Puerto Deseado

 

 

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commentaires

A
"...l’omoplate fracturée ....gloups! moi-aussi je l'avais manqué dans le texte il est vrai tout petit su run smartphone..Bon sang, tu as dû déguster...<br /> Je pense que tu devrais être interdite d'écoute et de bôme vu tes exploits passés..comme moi je suis interdit de guindeau..Il y a une grande noblesse à ne hanter que la dunette, les jumelles à la<br /> main..le triomphe de l'esprit sur la matière! L'écrivain(e) et subrécargue du bord n'est pas censée tirer sur les bouts, que diantre!<br /> Bonne récupération avant le Cap Horn!<br /> Armel
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A
<br /> <br /> Bon chacun ses petits soucis de santé... à nos âges... Je me suis en effet mise en repli sur la manoeuvre mais cela me manque et j'espère y revenir rapidement. Bon courage pour les peintures, les<br /> rangements et pour conjurer les petits ennuis du moment. Bises aux bretons.<br /> <br /> <br /> Ch&Luc<br /> <br /> <br /> <br />
M
Bonjour Christiane, et l'équipe<br /> <br /> Je suis votre périple avec beaucoup d'admiration et .<br /> et je suis un peu inquiète pour l'épaule de Christiane.<br /> Vas tu attendre un peu avant d'attaquer le cap ?<br /> <br /> Grosses bises<br /> Marie France
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A
<br /> <br /> Merci Marie-France : nous avons un super équipage pour la manoeuvre et pour le reste, je peux à peu près tout faire. Bises de la mythique Ushuaia !<br /> <br /> <br /> Ch<br /> <br /> <br /> <br />
G
voilà ce que c'est que de ne pas lire dans l'ordre: je m'apitoyais il y a peu sur Luc plongeant dans l'eau froide et je n'avais rien dit sur Christiane cassée: honte sur moi! voilà, je n'avais pas<br /> tout lu. Il me semble reconnaitre un peu de modestie et discrétion de la sus-nommée qui ne se plaint jamais. Christiane, je sais que tu es bien soignée sur place, mais on pense aussi bien à toi<br /> dans l'autre hémisphère. On vous embrasse tous!<br /> Guy
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A
<br /> <br /> Salut Dominique et Guy,<br /> <br /> <br /> J'ai cru répondre hier mais la connexion était mauvaise et le message n'est a priori pas passé. Je porte encore un pas très élégant bandage mais j'espère le mettre au rebut dans quelques jours.<br /> Donnez nous à l'occasion de vos nouvelles.<br /> <br /> <br /> Bises ventées<br /> <br /> <br /> Ch <br /> <br /> <br /> <br />
L
vous nous faites toujours presque voyager avec vous!!<br /> on est en forme, on rentre de 8 jours à l'île Maurice, dur de retrouver toute cette pluie havraise et beaucoup de vent!<br /> bon rétablissement pour christiane;<br /> plein de bisous et bon vent
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A
<br /> <br /> Pour le coup, il fait meilleur à l'île Maurice : on s'y retrouve dans trois ans ?... en espérant vous revoir avant, on vous embrasse ainsi que les Verdier quand vous les rencontrerez. Bises<br /> australes.<br /> <br /> <br /> Ch&Luc<br /> <br /> <br /> <br />