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6 février 2013 3 06 /02 /février /2013 15:39

Alioth, à l’occasion de sa remontée de Puerto Montt à Concon (Valparaiso), affiche un équipage musclé puisque Jean-François, membre de l’équipe de Chiloé, Jérôme et son fils Léon (21 ans) sont venus en appui du trio du team.  Notre début de saison  s’avère une nouvelle fois placé sous le signe des destinées saint-vaastaises, notre rencontre chilienne avec Valérie et Jérôme s’étant préparée en Normandie en août dernier grâce à notre architecte et ami Michel que nous saluons tout particulièrement pour son initiative et dont la présence à bord, un moment envisagée, aurait joyeusement complété notre équipée.

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Le dimanche 27 janvier au soir, le ton de la semaine est donné et les festivités s’ouvrent sur la note française apportée par  l’excellent champagne Bollinger d’ Elisabeth et Jean-François. Puis la phase chilienne, entre dans la danse grâce aux 11 nectars sélectionnés avec attention par Jérôme en vue de nous offrir un panel représentatif de la qualité et de la diversité des vins chiliens.  Chaque soirée de la semaine sera l’objet d’une dégustation commentée. Joli programme ! Il faut dire que Jérôme est un expert : gastronome, amateur éclairé et entrepreneur confirmé,  il s’est installé à Santiago il y a une quinzaine d’années avec son épouse Valérie, elle-même journaliste, pour y créer une activité de boulangerie, viennoiserie, pâtisserie française Le Fournil, puis ouvrir plusieurs restaurants et un bar à vins à Santiago. Ce dernier a reçu en 2010 une distinction rarissime : celle de « Meilleure carte de vins du monde » dont il est le seul détenteur en Amérique du Sud. Alors si vous allez à Santiago, ne manquez pas les bonnes adresses que nous vous communiquerons très prochainement et laissez vous envoûter par les vols de Jérôme, qui vous feront planer autour de merveilleux trios de dégustations, ou ses verticales, qui vous transporteront aux sommets des meilleurs crus du pays. Si comme Arielle ou Christiane, les plaisirs du vin vous sont refusés, consolez vous sur la gamme des pains délicieux du Fournil qui, entre autres qualités, ont  bonne mémoire ce qui, en langage de spécialiste, exprime la capacité d’une mie à revenir  à sa forme initiale lorsqu’elle a été marquée du doigt.

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En introduction à notre séminaire œnologique, nous nous initions à  la classification  des vins chiliens en trois appellations correspondant aux trois grandes zones géographiques et climatiques du pays :

 

             - Costa, les vins de la côte qui subissent l’influence maritime du Pacifique

             - Vallée centrale, les vins de l’entre deux Cordillères

             - Cordillère, les vins des contre-flancs de la Cordillère des Andes

Au  Chili se produisent des vins mono cépage -Sauvignon blanc, Chardonnay, Merlot, Carménère, Syrah, Cabernet Sauvignon- mais aussi  des vins d’assemblage tels que les Villard Ensamblaje, Facundo et Erasmo qui ont pris place à bord. Les fondements théoriques posés, l’ouverture solennelle du séminaire se déroule le dimanche soir autour :

  - d'un Merlot de la vallée centrale (vallée de Loncomilla). Très « confiture de mûre », il est produit par Daniella Gillmore et Andres Sanchez, à 50km du Pacifique

        - d'un Cabernet Sauvignon de la région de Santiago. Sous la dénomination Aquitania, il est produit par Felipe de Solminihac.

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Côté navigation, un  double départ s’opère dès le lundi matin : Arielle et Elisabeth, épouses de Dominique et Jean-François, prennent par bus la route de Santiago via Valdivia tandis qu’Alioth sort avec un peu de retard de la baie de Reloncavi pour rejoindre l’océan par le canal Chacau, passage du nord entre Chiloé et le continent. Le vent est faible et nous sommes rapidement confrontés à une nouvelle nanniaiserie. Le moteur, atteint d’un bruit inhabituel, nous contraint soit à tirer des bords dans le petit temps, soit à nous propulser à régime réduit. A ce rythme ralenti nous atteignons le canal de Chacau en fin de journée et à contre courant entre un coucher de soleil et un lever de lune qui rivalisent de splendeur.

Encerclés de pélicans qui occupent le plan d’eau sans faire grand cas de notre présence,  nous dégustons un Chardonnay  Talinay de la vallée de Limari, zone désertique côtière du nord du Chili, dans laquelle la vigne, entourée de cactus, bénéficie d’une brume à 70% du temps. Minéralité et salinité caractérisent ce chardonnay. Le Syrah, la grande star des vins chiliens, prend élégamment sa suite sous la forme d’un Syrah Koyle  « fruité sans être trop fruit confit ».

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Mais nous arrivons trop tardivement à l’entrée du canal Chacau que nous peinons à remonter, sous voile et moteur,  jusqu’à ne plus résister à la pression du courant. Sous l’effet d’une chute complète de vent et malgré une vitesse en surface de 7 nœuds, nous reculons au rythme de  1 à 2 nœuds sur le fond, ce qui ne manque pas de soulever quelques inquiétudes auprès de l’équipe de quart. Heureusement Eole compatit et, au prix de deux heures de patiente lutte contre le courant, nous parvenons à sortir de la passe pour entamer notre remontée océanique. En cours de journée, le spi s’offre une grande bouffée d’air pacifique jusqu’au début d’une nuit qui se fera sous solent.  

Le 29 janvier, alors que le vent peine à se lever et les côtes de la belle Chiloé à s’effacer, les grands albatros planent au dessus de la longue houle du Pacifique offrant à Jean-François, Jérôme et Léon leurs premières sensations de grand large.  Mais brisant la poésie de ces beaux moments, le moteur sollicité pour un chargement de batterie s’arrête et s’obstine dans un blocage irréversible… Le vent du sud qui domine sur ce secteur en saison estivale est heureusement présent et nous n’avons guère d’autre choix que de poursuivre jusqu’à destination.  Le spi se maintient dans les petits airs de l’après-midi durant laquelle un spectacle surprenant nous ravit : celui des dauphins au ventre immaculé engagés dans d’incroyables chasses au thon. Dans des alignements parfaits, tous bondissent hors de l’eau, les grands  delphinidés poursuivant les petits thonidés à un rythme endiablé. En revanche, au loin, une baleine nous frustre de sa trop grande discrétion. 

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Pour conclure cette première grande journée de mer, Jérôme ouvre un Castillo Molina, Sauvignon blanc 100% de la vigne San Pedro, issu d’une vigne  située dans la vallée de l’Elqui, zone située à 1000m d’altitude à hauteur de la zone semi-désertique de La Serena, à 650km au nord de Santiago. Il n’est pas rare qu’en hiver la  vigne s’y trouve enfouie sous 3m de neige.

Le 30 janvier, le vent monte à 25-30 nœuds.  Après une prise de ris, nous décidons, fait exceptionnel,  d’annuler la dégustation du soir pour cause de météorologie difficile. C’est l’occasion pour Jérôme de sortir son joker, un Glenlivet de 12 ans d’âge, la 12ème bouteille de son chargement, dont la concentration du contenu et la stabilité des contenants font un apéritif très marin, bien adapté aux conditions du moment.

Le 31 janvier est marqué par l’installation de l’hydrogénérateur, difficile à mener en pleine mer, mais réussiepar Dominique, à la rondelle près. Des essais de trinquette donnent par ailleurs des résultats relativement concluants.

En soirée, un Sauvignon Blanc Koyle Costa, vin élevé à 20km de la mer, près de Vichuquen où Jérôme et Valérie ont leur maison du lac, est bu à la latitude de la vigne ! Puis c’est le tour d’un Erasmo 2007, prix 2011 du meilleur vin d’assemblage -Cabernet et Merlot- du Chili, produit d’une vinification familiale de la vallée de Maule, vallée andine située dans la région viticole de Caliboro, réputée depuis le XIXème siècle pour la qualité de son sol et de ses vins. Et comme le vin (non excusez moi, le vent !) est revenu et que c’est fête à bord, un Facundo, vin d’assemblage de la Vallée centrale -Cabernet Sauvignon, Cabernet franc, Petit Verdot et Carignan- s’invite à la soirée.

Le 1er février, au petit matin, le vent est en berne car la mawada , le mauvais temps d’été qui sévit en bord de mer sous l’influence du courant de Humboldt, a envahi la zone côtière.  Le ciel est plombé, la mer d’huile, le vent inexistant. Seuls les mouvements léthargiques des queues d’otaries assoupies apportent une once de mouvement à la torpeur ambiante. L’inquiétude grandit car si ce mauvais temps s’établit sur plusieurs jours, il ne manquera  pas de compromettre  les programmes à venir des co-équipiers.  Pour se distraire, Jérôme tente une partie de pêche qui s’achève par la prise… d’un requin ! L’animal est puissant et sous l’effet de ses ébats,  la ligne se prend dans les fils électriques de l’hydrogénérateur.  Moment difficile d’autant que la seule brise de la journée vient nous narguer à ce moment précis.

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Les pêcheurs sont fiers de leur prise et la traditionnelle photo leur est consacrée mais le requin, pourtant préparé avec attention par Luc, s’avère peu gastronomique. Chacun y goûte par curiosité mais personne n’y revient. L’auteure de ces lignes, peu amatrice de pêche, souffre de  quelques états d’âme face à  cette inutile exécution. Jérôme se soucie de l’éventuel épuisement du stock de provisions du bord en cas de poursuite de la mawada et déclare le requin stade ultime avant le cannibalisme...  Heureusement les bonnes bouteilles sont là pour consoler les hommes d’équipage. Exception à la règle, ce soir c’est un Gewurtztraminer alsacien des sœurs Faller qui émerge de la cave d’Alioth, suivi d’un vin chilien d’assemblage de Thierry Villard qui associe Petit Verdot qui apporte l’astringence, Syrah qui donne la puissance, Cabernet Sauvignon et Merlot qui offrent arômes et rondeur.

Durant ces quelques jours, l’équipage était organisé en trois quarts (Jérôme et Dominique, Léon et Luc, Jean-François et Christiane) par roulements de trois heures. Léon a un peu souffert durant ces quelques jours : mal de mer marqué de réveils incertains où on ne sait plus si on a tenu tenu son quart de nuit… ou si on l’a  rêvé, tumultueux partage d’une couchette double entre père et fils dans des eaux agitées, avec regret déclaré d’une alternative féminine à ses côtés... Enfin une fois l’estomac calmé, apparition des affres de la mawada venue perturber les perspectives d’un week-end visiblement très désiré : dur apprentissage que celui de la vie de jeune marin ! Mais la complicité père fils a joué a  plein son rôle et Léon, Jean-François et Jérôme, ont fait tous trois preuve d’une remarquable adaptation aux manœuvres et à la navigation. Par ailleurs œnologie n’est pas orgie et chacun a pu -hors mal de mer- tenir son rôle dans les meilleures conditions. La chef de bord, honorée du titre de chef à bord, s'est réjouie de l'enthousiasme de si bons convives. Ajoutons que Jérôme s’est distingué dans la confection de délicieux canapés apéritifs et que Jean-François s’est fait le spécialiste du café en cafetière italienne, deux savoir-faire dont le team Alioth saura perpétuer le souvenir. 

La début de nuit suivante est jubilatoire. Nous maintenons le spi jusqu’à 3h du matin à une allure moyenne de 9 noeuds, heure où le vent monte à plus de 25 nœuds et où des routes de collision avec des cargos deviennent possibles.  Au petit matin la mawada vient à nouveau envahir le plan d’eau, réveillant quelques inquiétudes. Nous longeons avec émotion la baie mythique de Valparaiso, embrumée et dominée par ses célèbres collines.  A 12h, le vent revenu, nous parvenons sans encombre au joli Yate Club de Higuerillas où nous retrouvons Valérie et sa fille Célestine accompagnées d’Arielle et Elisabeth qu’elles ont très chaleureusement accueillies à Santiago au cours de ces derniers jours.  Nous concluons cette croisière décidément œnologique et gastronomique par un excellent déjeuner de mariscos, fruit d’un pari relevé par Dominique : celui d’une arrivée au port ce samedi avant 20h, défi qui n’était pas tout à fait gagné d’avance.

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                                                                          Arrivée sur la marina de Huiguerillas

 

Le soir nous nous laissons emporter par la magie de Valparaiso illuminé par un coucher de soleil resplendissant… A suivre...


* Nom d'un célèbre recueil de poèmes de Pablo Neruda

NB : reste dans la cave du bord un Carménère, cépage disparu il y a vingt ans à l’époque de l’épidémie de phyloxera  dont un ampélographe français a retrouvé la trace et qui représente actuellement 8% du volume de production du Chili. Nul doute qu’il attendra l’arrivée fin mars de François et Catherine pour fêter notre départ vers la Polynésie. Merci Jérôme !

PS : les photos correspondant à cet article figurent dans l’album « S4-3-Séminaire œnologique »

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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