Valpo a le charme suranné de ces villes portuaires qui ont trop vécu, abandonnant à d’autres l’essentiel d’un trafic maritime sensible aux exigences de la modernisation. Ingrate, la Marine elle-même, abandonnera d’ici peu, ce site historique désormais jugé insuffisamment protégé. La baie, siège de tant d’échanges, de conflits et de soulèvements, a le calme modeste et assuré de celles qui se savent parmi les plus belles au monde. Côté ville, on se réjouit des envolées d’escaliers, des rues mal pavées qui se font tour à tour côtes ou descentes, des ascenseurs, des habitations colorées toutes de bois et de tôle ondulée. Une atmosphère subtile et indescriptible qui se propage comme une vague entre les ondulations des quarante deux cerros, ces collines où les maisons s’imbriquent comme autant de belvédères au regard tourné vers la mer. Un lieu où on se dit « j’y suis » tant est grand le plaisir de se sentir y être et y vivre des moments privilégiés. Le tout gravement troublé par un incendie criminel qui, dans la nuit du 14 février, ravage 150 maisons et dépossède plus d’un millier de personnes de tous leurs biens. La grande voisine de Viňa del Mar est une immense station balnéaire très prisée, tout en contraste avec le laisser-aller de la besogneuse Valpo.
La côte abonde en escarpements rocheux sur lesquelles explosent en effervescences les vagues émeraude du Pacifique. Un spectacle saisissant qui, observé des micros, ces petits bus qui nous transportent jusqu’à Valpo, gagne encore en splendeur à l’heure du soleil couchant. Le Club de Yates de Higuerillas est un beau club de voiliers où 25 beaux bateaux de course se préparent pour la régate de 800 milles qui partira le 20 février vers l’île de Robinson Crusoé. Un accueil très ouvert nous est réservé par nos voisins de ponton qui nous offrent leur aide et nous invitent aux festivités de la soirée de présentation de la régate. Les marineros ne cessent de laver et rincer ponts et voiles ; les propriétaires qui arrivent en week-end s’étonnent de ces français qui bricolent par eux-mêmes… et le dimanche en plus. Le wi-fi ne marche pas mais l’ordinateur des socios est gentiment mis à notre disposition, sous réserve de disponibilité... Le club de bon standing s’étend sous les immeubles de vacances qui peuplent les surplombs de la colline. Goélands et pélicans sont installés à demeure alors qu’un couple de perroquets bleus, très civilisé et infiniment amoureux, fait au club une apparition inattendue. Les bains de mer se font vite bain de soleil et bain de foule dans les longs rouleaux du Pacifique. Les écoles d’Optimist et de kayak des jeunes vacanciers évoluent dans des conditions météorologiques à faire pâlir d’envie leurs petits homologues normands…
Nous visitons les trois maisons idylliques -la Sebastiana (Valparaiso), la Chascona (Santiago) et Isla Negra (au sud de Valparaiso)- de l’immense Pablo Neruda dont la poésie, forte et magnifique comme le Pacifique, est une ode à l’amour, à la liberté, à la générosité, à la passion de la vie.
A 1h45 de bus au travers des vignes de la région de Casablanca, Santiago se découvre du haut du Mont Cristobal qui domine la ville et met en valeur l’encorbellement magnifique des montagnes. Tradition oblige, nous consacrons nos premiers pas au tourisme technique qui donne à connaître les quartiers des ferreterias et des ateliers en tout genre. Nous jouons un peu les envahisseurs chez Valérie et Jérôme qui, dans leur maison exquise, nous auront fourni dans le quartier de Vitacura une plaque tournante fort accueillante durant les trois semaines de notre présence à Valparaiso.
La ville très paysagée et agréablement désertée en cette période d’été nous invite à la découverte des œuvres des artistes chiliens, de son histoire et de ses récentes années de dictature qui, étonnamment pour les étrangers que nous sommes, divisent encore largement les Chiliens.
Si vous allez à Santiago retenez l’adresse du Bocanariz, le restaurant de Jérôme, où nous avons le plaisir d’être invités pour une soirée grandiose de senteurs et de saveurs. Ouvert depuis quelques mois seulement, le lieu qui a bénéficié des talents de décoratrice de Valérie, est déjà très couru tant des Santiaguinos que des touristes avertis. L’excellente des vins jointe à la qualité des mets qui les accompagnent en font une adresse hors du commun. N’hésitez pas non plus à passer dans le quartier de Bellavista une soirée très animée de cuisine parisienne et de bohême chilienne au Jazz Club du Fournil Bistrot, sans oublier les différents Fournil de la ville qui vous permettront de faire une étape agrémentée de pains ou croissants si délicieux que vous rêverez de trouver leurs semblables à votre retour en France !
C’est aussi, de Valparaiso à Santiago, le temps des très agréables retrouvailles avec Ximena et Andrea rencontrées la saison dernière à Puerto Consuleo, chez la famille Eberhard, près de Puerto Natales. Ximena nous emmène à la découverte de la très belle Zapallar, la Saint Tropez chilienne située à 100km au nord de Valparaiso, et nous reçoit chez elle à Santiago, pour une soirée mémorable en compagnie de Maria Paz et Alberto, ses enfants, qui nous réservent un accueil exceptionnel tout en parlant un excellent français. Andrea et Alessandro nous font le plaisir de nous rejoindre à bord et de nous inviter à une visite commentée du musée de la Marine chilienne et du port de Valparaiso dans lequel, Alessandro, Officier de l’Aéro-Navale, a ses petites entrées.
Mais c’est aussi le moment des rencontres franco chiliennes avec Loreto Corvalan artiste renommée dont nous aimons le travail et qui a exposé au Musée des Beaux Arts de Santiago en 2004. Loreto vit dans la région du Havre depuis 1973 mais vient de passer un mois dans l’archipel de Juan Fernandez en appui du travail de production d’un film réalisé par son amie Sophie. Nous passons avec elles et deux de leurs amis, Laurence et Franck, un excellent déjeuner dans une charmante petite maison d’étudiantes louée à Valparaiso, et parcourons la route des cerros à bord du bus 612, la plus longue ligne de bus de la ville. Si vous avez autour de vous de jeunes enfants, savourez avec eux « Horacio ne veut plus aller à l’école », une histoire sur la différence magnifiquement écrite et illustrée par Loreto. Deux rendez-vous manqués et très regrettés, celui de Mony, une amie franco chilienne de longue date, dont la rencontre à Santiago sera rendue impossible en raison d’un lourd souci familial ; celle aussi de Bethou (notre co-équipière argentine !) et Bernard qui n’ont pu, comme ils l’avaient espéré, venir nous rejoindre de France pour découvrir la mythique Valparaiso.
Les voyages des membres de l’équipage se succèdent vers l’île de Pâques, San Pedro de Atacama et le Machu Picchu. Entre deux, l’ambiance travaux préside toujours à bord : fabrication d’une dérive d’éolienne plus efficace, révision complète des voiles, changement de la boîte de vitesse du moteur, difficile réaccastillage du charriot de grand voile et plein d’autres menus bricolages qui font l’envers du décor de nos escales….
Le vendredi 15 nous faisons nos adieux sud-américains à Elisabeth et Jean-François avec lesquels nous aurons vécu d’excellents moments sur mer comme sur terre. Le 20 février, Arielle et Dominique rentrent du Pérou et, après une semaine de séjour à Valparaiso, reprendront un vol pour Paris. Ce même mercredi 20, Christiane et Luc partent vers le nord pour un voyage d’un mois entre Chili, Argentine, Bolivie et Pérou. Le 26 mars, Dominique ainsi que Catherine et François poseront leur sac à bord pour le début de la trans-Pacifique...
NB :
- Bocanariz (boca=bouche, nariz=nez), José Victorino Lastarria 276
- Le Fournil Bistrot, Jazz Club Patio Bellavista – Constituciōn 30, Local 102 ( Patio Bellavista)
PS : Les photos correspondant à cet article sont sur l’album S4 -4 : Valparaiso & Santiago
Quelques micro vidéo essentiellement destinées à nos petits enfants et à nos moussaillons de Quettehou figurent sur le compte Tincelin Alioth de Facebook.