Bien loin du cliché d’une île défigurée par le tourisme (nous pouvons témoigner, à ce titre, de désastres bien plus considérables), nous avons beaucoup de plaisir à poursuivre ici, à Maurice, notre découverte de l’énergique petit pays de Mauritius, entamée à Rodrigues. L’agrément en revient aussi à un cheminement partagé avec Agnès et Laurent qui séjournent à terre jusqu’au 11 et avec Elisabeth arrivée à bord le 7 pour se joindre à nous jusqu’à Madagascar.
Une découverte portugaise, une tentative avortée d’implantation hollandaise, un siècle de colonisation française et 150 ans de domination britannique ont façonné ce petit pays, indépendant depuis 1968, qui s’est construit, comme ses sœurs colonisées, sur l’esclavage (ici africain et malgache) puis sur « l’engagisme » de 450 000 Indiens, l’un et l’autre destinés à couvrir l’île de la juteuse production de canne à sucre. La venue de chinois attirés par l’activité commerciale complète le tableau de l’immigration de cette terre vierge de tout habitant à l’arrivée des premiers colons.
Temple Hindou
Autant dire que le multi-culturalisme ethnique, linguistique et religieux fait partie intégrante de la vie mauricienne. Comme un symbole de coexistence pacifique, la gastronomie locale fusionne avec talent saveurs et traditions culinaires et sur ce fond de populations laborieuses et anonymes, nous croisons les incroyables destinées de Nicolas Baudin et de Surcouf, de Mahé de la Bourdonnais et de Pierre Poivre, de Bernardin de Saint Pierre et de Baudelaire. Ce dernier, expédié ici, à l’âge de 20 ans, par un beau-père excédé d’une vie de bohême qui l’insupportait, donna, naissance à ces bien jolis vers :
« Au pays parfumé que le soleil caresse,
J’ai connu sous un dais d’arbres tout empourprés
Et de palmiers d’où pleut sur les yeux la paresse
Une dame créole aux charmes ignorés. (…)»
Quant à Surcouf, il est ici célèbre pour la réplique qu’il asséna à un officier du Kent abordé près de l’île Maurice. « Nous, les Anglais, nous nous battons pour l’honneur, vous, les Français, vous vous battez pour l’argent » lui lança l’officier britannique. « Chacun se bat donc pour ce qui lui manque » lui répondit l’impudent corsaire.
Nicolas Baudin, commandant de l'expédition du Géographe et du Naturaliste, bien connu des Havrais pour avoir embarqué à son bord l'exceptionnle dessinateur et botaniste Charles-Alexandre Lesueur, est mort à l'île Maurice au cours de son voyage retour.
De tout point, on distingue les pics acérés de la chaîne volcanique qui transperce l’île. Au sud-ouest la montagne du Brabant, refuge des « marrons », semble rendre un hommage perpétuel à la vie des esclaves. Il offre de nos jours un lieu de mémoire, un agréable exercice d’escalade et une vue spectaculaire sur le lagon dans lequel il est bien agréable de piquer une tête après l’effort .
Elisabeth s'entraîne pour La Réunion
Nous nous laissons envoûter par le charme des maisons coloniales. Il y a celles qui, restées « dans leur jus », dévoilent l’intimité de leur passé comme la belle propriété Eureka qui héberge Agnès et Laurent avec lesquels nous partageons un agréable petit déjeuner pris sous la varangue. Elle fut sur plusieurs générations la propriété de la famille Le Clézio et c’est dans cette demeure mauricienne et sur la belle île de Rodrigues que J.M.G. puisa l’inspiration de ses œuvres « Le chercheur d’or », « La quarantaine », « Voyage à Rodrigues »…
A la maison Eureka - la salle à manger
Mais nombre de ces propriétés sont assaillies par l’humidité, par les termites qui taraudent le bois, les cyclones qui ébranlent les structures. C’est donc avec émerveillement que nous visitons le château La Bourdonnais récemment restauré dans le cadre d’un projet d’envergure par les descendants de la famille Wiehe, propriétaire des lieux. Elégance, sobriété et authenticité sont les maîtres mots de cette splendide rénovation : un enchantement.
A la maison La Bourdonnais
Non loin de là, les jardins de 25ha de Pamplemousses furent créés par Pierre Poivre un incroyable aventurier, un botaniste de génie qui fit également un excellent gouverneur des Masacareignes. Le passionnant musée « L’aventure du sucre » s’est lové, lui, au cœur d’une raffinerie désaffectée. Si seules 5 usines ont survécu aux 259 sucreries qui ont fonctionné sur l’île au XIXème siècle, nombre de cheminées, comme autant de vigies soigneusement préservées, continuent de ponctuer le paysage. Et qui dit canne à sucre dit rhum et, à ce titre, les offres de dégustation se font généreuses et se prolongent à bord part des ti-punch fort appréciés. Au sud, règnent plus sagement les productions de thé et de vanille.
Nous nous sommes retrouvés mardi soir pour un dernier dîner à bord avec Agnès et Laurent avant de quitter l’île Maurice jeudi, les uns par les airs, les autres par la mer. 150 milles nautiques séparent Maurice de La Réunion. Le temps s’annonce calme mais nous devrions arriver en principe vendredi afin d’accueillir dimanche notre amie Zabou, grande marcheuse et bonne connaisseuse de l’île. A nous la troisième île des Mascareignes !
PS : les photos sont sur S6 8 - Ile Maurice