La traversée entre Darwin (Australie) et Kupang (Timor Ouest – Indonésie) se fait au cap 286. Partis le 30 juin, nous progressons sérieusement vers l’Equateur et, au cours de notre remontée de 12° à 8° de latitude sud, le vent se fera faiblissant. Luc se distingue sur le parcours par la remontée à bord d’un espadon, heureusement de taille raisonnable, puis d’une dorade choryphène qui viendront l’un et l’autre enrichir notre ordinaire.
Le 3 juillet au matin, un soleil flamboyant s’élève au-dessus des côtes indonésiennes pendant que nous nous faufilons entre les îles, dans les petits airs. Après avoir longé le port commercial de Tanau, dont la centrale thermique nous rappelle sa consoeur du Havre-sur-mer, nous jetons l’ancre à Kupang au milieu d’une élégante flottille de bateaux de pêche, face à la mosquée qui borde le rivage. Nous descendons à terre pour entamer un marathon administratif qui, malgré six semaines d’anticipation, vaudra à Dominique une grosse demi-journée de démarches menées à califourchon sur le scooter de notre « agent » Napa dont nous saluons, au passage, le dévouement et l’efficacité. L’après-midi, la visite des autorités à bord se soldera par un prélèvement de vin et de whisky au profit très personnel du douanier de service (un certain Emmanuel Taco, qu’on se le dise !). Celui-ci nous taxe par ailleurs d’un rendez-vous au bureau des douanes le lendemain pour une simple signature qui se convertira en une demi-matinée de rajouts procéduriers inattendus. Encore faudra-t-il, à notre arrivée à Bali, se présenter aux douanes et aux autorités portuaires pour s’entendre dire que le dossier substantiel établi à Kupang est incomplet…
Ces contraintes achevées, nous nous immergeons dans l’ambiance asiatique d’une île fort peu touchée par le tourisme où la population se montre accueillante et chaleureuse.
De quoi se rhabiller pour l'hiver.
Grâce à notre guide Oney, dont le chauffeur fou mène ses clients à un rythme d’enfer, nous embarquons pour une journée qui nous mène de Kupang au centre du Timor ouest. Premières rizières, premiers macaques, petits marchés qui longent les routes, mémoire des australiens qui ont défendu la place durant la WWII pour finir à un village de réducteurs de têtes qui vit encore de nos jours sur un mode traditionnel, coupage de têtes excepté. Le chef de village nous y instruit sur l’histoire et les pratiques de sa tribu ; une étonnante accoucheuse, dont la réputation s’étend sur tout le Timor de l’ouest, continue à opérer dans sa case enfumée en respectant des coutumes ancestrales ; quant à la noix de bétel, elle est comme la coca en Amérique du sud ou le kava dans le Pacifique, l’expédient des habitants du Timor et nous voyons ici à quel point les locaux en raffolent.
Petit village du Timor
Une seconde halte nous fera passer de la vie grouillante de Kupang au grand calme du parc national de Komodo. Nous arrivons vers minuit dans la baie immense de Loh Liang en cherchant désespérément la quinzaine de mouillages annoncée. Nous finirons par passer clandestinement la nuit sur ancre en nous empressant de prendre au petit matin, le seul corps mort rescapé du plan d’eau tout juste libéré par ses occupants.
L'île de Komodo
L’île de Komodo, petite île perdue au sein de l’immense archipel indonésien, a le privilège d’être élue au patrimoine mondial de l’UNESCO au titre d’un animal endémique bien étrange : le varan appelé ici le dragon de Komodo. Rien de plus stupéfiant que cet animal préhistorique, carnivore et cannibal, qui semble issu tout droit de l’époque des dinosaures. Nous guettons l’animal, plutôt fugace, à l’occasion de nos promenades à terre et l’oeil perspicace de Dominique nous permettra de suivre la démarche nonchalante d’un spécimen se profilant à découvert au sommet du mont Ara. Les seuls snorkelings que nous nous autoriserons dans l’eau cristalline de la baie se passeront sous la coque pour un nettoyage méticuleux dont le bénéfice se trouvera bien vite anéanti au contact des eaux de Bali.
Le dragon de Komodo qui serait à l'origine du mythe du dragon chinois
Nous faisons une courte halte dans la baie de Awang au sud-est de l’île de Lombok avant de repartir de nuit pour Bali. Cette fois le vent tombe totalement et à 8h du matin nous démarrons le moteur qui tournera à plein régime pour franchir les puissants courants traversiers des détroits de Lombok et de Badung. L’arrivée à Benoa est un peu déroutante. Notre agent local, Ruth, nous a heureusement fourni les points d’accès au mouillage de la presqu’île de Serangan qui ne figurent sur aucun guide. Les deux seules bouées verte et rouge supposées marquer le changement de direction du chenal d’accès se sont transformées en une seule bouée bleue dont on devine qu’elle doit rester à tribord. Une fois arrivés sur site, un corps mort nous est affecté. Le plan d’eau est sale, le paysage sans éclat. Le Royal Yacht Club de Bali n’a de royal que le nom et se limite à un modeste bâtiment chargé d’abriter deux ou trois bureaux.
L’environnement du lieu traduit la pauvreté d’une population qui tente un tourisme de subsistance. Nous repérons malgré tout un petit café internet, commençons à entamer une course à la douche qui s’avère difficile et visitons le voisinage où nous faisons d’agréables surprises : petits temples hindous, école de percussion, marché local…
Le dimanche 13 juillet nous changeons radicalement de décor. Vincent, fils d’Arielle et Dominique, nous a concoctés avec son ami Sylvain, directeur du Sofitel de Bali, deux journées de grand luxe dans ce resort haut de gamme qui vient d’ouvrir ses portes en décembre dernier : quoi de mieux pour accueillir Arielle qui arrive le dimanche 13 juillet et nous mêmes qui nous délectons de ce confort très en contraste avec la vie simplissime du bord. Sylvain avec une énorme gentillesse et beaucoup d’attention nous invite à des dîners raffinés (dont un spécial anniversaire dédié à Arielle, née un jour très en fanfare), des séances de massage au spa qui nous rajeunissent de vingt ans,
des dégustations de vin, des baignades à volonté dans les piscines ou dans le lagon, des petits déjeuners savoureux que l’on prend dans des canapés moelleux…. et va jusqu’à nous prêter sa voiture et son chauffeur. Celui-ci se fait très agréablement notre guide pour nous mener au temple de Uluwatu qui domine l’océan Indien à des hauteurs vertigineuses. Auprès des singes sacrés qui volent aux touristes chapeaux et lunettes, nous assisterons là à un spectacle de kécak* et de danse tout à fait étonnant. Tout le personnel de l’hôtel est aux petits soins et la gentillesse indonésienne rajoute une note de charme à cette parenthèse fastueuse hautement appréciée.
Mardi 15 au matin, c’est le retour à bord d’Alioth d’où nous mènerons la suite des trois semaines de notre séjour indonésien.
NB 1 : les photos sont sur l'album S65 Indonésie
NB 2 : désolée pour la quête organisée par les pirates de notre messagerie. J'essaie de résoudre le problème...
*onomathopées imitant des percussions émises par un chœur d’hommes et accompagnées d’une gestuelle chorégraphiée.