Nous effectuons la traversée Tonga-Fidji par un vent de sud-est soutenu de 20 à 25 nœuds. Le rythme des quarts reprend en respectant l’ordre en cours, les veilles de 18-21h, 21-24h ou 6-9h restant naturellement mieux cotées que leurs homologues de 0-3h ou de 3-6h. Pour nous épargner une arrivée de nuit à Vanua Levu, la grande île nord des Fidji, nous effectuons une courte halte dans le lagon de Vanua Balavu, île du Lau Group, lui-même situé à l’est de l’archipel. Le temps est couvert mais nous aimons cette belle escale, occasion d’une courte pause avec baignade.
Une nouvelle nuit de mer nous amène à franchir les 25000 milles au compteur et à nous amarrer en fin de matinée à Copra Shed, la marina de la petite ville de Savusavu où nous pénétrons dans un nouvel univers. La population massivement "importée" d’Inde à la fin du XIXème par les exploitants de canne à sucre a, un siècle plus tard, pris une part considérable dans la vie sociale, économique et politique des Fidji. C’est d’ailleurs dans un contexte de fortes tensions multiculturelles, que les Fidjiens vivent actuellement sous un régime de dictature, a priori promis à un retour à la démocratie en 2014.
Alioth à la marina Coprashed
Au marché de Savusavu : caution, dangerous lion !
A Savusavu, nous apprécions la fréquentation conjuguée d’une petite ville assez traditionnelle où les habitants, toujours prêts à entamer la conversation, ne manquent pas de vous saluer d’un souriant Bula -bonjour-, et d’une marina très confortable : douches, laverie, café, restaurant… La cuisine indienne (notamment celle de "Surf and Turf") est délicieuse, le marché haut en couleurs, la connexion internet efficace. La saison des cyclones a débuté marquant l’entrée officielle de la période des pluies, un peu tôt à notre goût. On sort les cirés, on achète un grand parapluie, ou on circule en T-shirt, selon, en se promettant que le « ciel bas et lourd » ne gâchera pas les plaisirs de l’escale.
A la suite de la visite de la ferme perlière voisine nous pouvons affirmer, foi de capitaines, que la perle noire fidjienne est beaucoup moins belle et beaucoup plus onéreuse que sa sœur de Polynésie française : qu’elles s'y préparent, malgré les recherches obstinées de Fred et de Gérard, ni Catherine, ni Marie France ne se verront pendre la perle au cou…
Nacre fidjienne
Le samedi, la location d’une Toyota pas du tout fantastique (un pneu et un radiateur crevés), nous mène péniblement jusqu’à Labasa, la grande ville du nord de l’île. Nous arrivons en juste à temps avant la fermeture du garage pour achat d’un pneu neuf et remplissage du radiateur en pleine effervescence. S’en suivent un coup de cœur pour le marché local, plus indien que jamais, et un délicieux poisson à l’"Oriental Food" d’où nous repartons munis d’une bouteille d’eau en prévision des petites soifs du moteur sur le chemin du retour. Dans la campagne, nous découvrons le spectacle des kilomètres de trains et de camions chargés de tiges de canne à sucre qui patientent dans la longue file d’attente qui les mène à la distillerie. L’usine ferme fin octobre et semble ne plus pouvoir gérer le flot des livraisons qui se pressent à sa porte. Le retour at home en fin de journée se fait avec un certain soulagement après quelques haltes anxieuses destinées à rafraîchir le moteur dans la grisaille des montagnes embrumées.
Retour à vide du train de canne à sucre
Le lundi 21 octobre, sous la pluie, nous quittons Savusavu pour nous diriger à l’ouest vers les îles Yasawa. Les très fortes différences de précipitations entre le versant oriental et le versant occidental des Fidji nous laissent en effet espérer un peu plus d’ensoleillement de ce côté de l’archipel. « Attention, le beau temps menace ! » annonce Fred et le mercredi, le soleil est revenu sur l’île de Sawa-I-Lau où nous explorons les grottes marines, visitons le petit village de Nabukeru et rencontrons le directeur de l’école locale (50 élèves) qui nous reçoit dans son établissement. Nous l’invitons à venir prendre l'apéritif le soir, car si Michael a une passion pour les voiliers il n’a que peu souvent l’occasion de franchir un bastingage. Sa venue à bord accompagné de sa femme, de ses trois filles et de son beau-frère prend des allures de fête rapidement teintées d’aventure car nous sommes assez éloignés du village, la nuit tombe, le vent se lève et le moteur de l’annexe tombe en panne à mi-parcours. Par chance notre voisin de mouillage, un italien attentif, les rejoint pour les prendre en remorque et Fred, notre chef mécano, assisté de Gérard et Luc, met tout en œuvre pour que le retour à terre puisse, deux heures, plus tard s’effectuer dans la nuit noire en deux bordées agitées mais à peu près sécurisées.
Michael et sa famille à bord d'Alioth.
Natacha, Emily et Grace les trois filles de Michael.
Jolie cour de récré !
De Nabukeru, nous descendons vers le sud pour l’île de Matacawa qui malgré sa baie « blue lagoon » ne fera pas partie de nos favorites puis pour la superbe Waya Island où Fred et Luc partiront courageusement à l’assaut d’un sommet atteint en un temps optimum par une pente abrupte et tortueuse tandis que Gérard semble déterminé à battre son record personnel de natation.
Hommes au sommet
A notre arrivée dans chaque village, nous sommes tenus d’effectuer la démarche traditionnelle du Sevu-Sevu pour laquelle Dominique fait un parfait chef de protocole. Il s’agit de rencontrer le chef du lieu, de lui offrir un cadeau -en principe des racines de kava avec lesquelles se fabrique une boisson hallucinogène- et de lui demander de bien vouloir nous accueillir sur son territoire. Le chef de village fait alors un petit discours d’accueil en langue fidjienne et conclut en anglais sur un message de bienvenue. Le chef de village est dans la tradition un homme de concertation, de médiation et d’arbitrage chargé du bien être de sa communauté (en général constituée de quelques centaines d’habitants). La fonction, souvent héréditaire, est respectée et la mission menée, à ce qu’il nous semble, avec un souci réel de l’intérêt collectif.
Après le Sevu-Sevu
Dans le village
Après les îles si diverses et les rencontres si richesde notre voyage depuis Raiatea, nous touchons le port de Nadi sur la côte ouest de Vitu-Leva la grande île sud des Fidji, en vue de faire notre sortie et de préparer notre descente vers la Nouvelle-Zélande. Nous nous retrouvons projetés le 28 octobre dans un retour à la civilisation un peu rude et dans un monde partiellement oublié : super-yachts, villas somptueuses, hordes de vacanciers, grands hôtels en pagaille, centres commerciaux, pauvreté des populations locales… une vulgarité criante comparée au mode de vie traditionnel des îles. Nous détournant de l'effervescence de ce hub touristique, nous tentons notre chance à la porte d'une des quatre distilleries de canne à sucre du pays. A la suite de notre demande de visite exprimée à l’entrée de l’usine, quelques contacts s’enchaînent et l’adjoint à la sécurité de l’usine se libère d’une réunion pour nous consacrer plus de deux heures de son temps. Dans un cadre industriel peu concevable dans notre univers européen propret et hautement certifié, nous découvrons le processus appliqué au million de tonne de canne à sucre annuellement traité par le site, de la livraison au produit fini. L’industrie de la canne à sucre reste un pôle important de la vie économique de ce petit pays même si elle ne représente in fine que 2% de la production mondiale. La saison de récolte et de distillation du sucre se déroule sur six mois et 2013 marque un record absolu de production pour le pays.
A l'usine
Aujourd’hui jeudi nous procédons aux dernières étapes d’avant départ : approvisionnement, rangement, lessive, préparation du bateau, coupes de cheveux, internet… Vendredi matin nous remontrons vers la marina de Lautoka pour effectuer nos formalités et partirons l’après-midi même vers la Nouvelle Zélande afin d’être à même d’accueillir Catherine qui rejoint Fred à Auckland le jour de l’Armistice. La météo nous annonce pour les premiers jours de la traversée un vent faible et de secteur sud qui devrait se renforcer et évoluer vers le sud-est les jours suivants.
Nous conclurons par un mot à l’intention de nos petits amis de Quettehou. Tout d’abord car nous pensons à eux à chaque fois que se présente l'opportunité de visiter une école. L'éducation est un sujet important dans les îles du Pacifique, nous avons toujours été très bien accueillis dans les établissements et les rires et les voix des enfants sont pour nous d'une grâce universelle. Lesécoliers de Savusavu que nous avons rencontrés avec leur maîtresse ont envoyé un petit salut spécial aux élèves de Laurence que nous avons plaisir à envoyer ci-dessous :
Par ailleurs, nous avons reçu tout récemment des poèmes écrits par des élèves de Quettehou que nous sommes fiers de partager avec nos lectrices et lecteurs :
C’était un beau matin,
Un voilier au loin sur la mer.
Joli bateau,
Quel monstre marin
Te promène dans l’océan
Sur la mer glissante et malveillante ?
Matteo
N’es-tu rien qu’une bouteille à la mer
Qui, comme un voilier sans voile et sans mât,
Flotterait au loin ?
Ou un cerf-volant,
Un bout de tissu,
Qui pourrait voler jusque dans mes cheveux ?
Héloïse, Morgan, Joséphine et Marjorie
Qui t’a bousculé ? T’es-tu fait mal sur ces rochers escarpés ?
Maurane
Je viens voir sur le sable,
Au coucher du soleil,
Un voilier,
Au loin sur l’océan.
Nolan
Bravo et merci les enfants ! Grâce à Laurence qui organise nos échanges, vous avez toute votre place à bord.
Pour les élèves de CP de cette année, voici enfin une photo de Nelson prise dans le contexte de l'époque !
A bientôt, en Nouvelle Zélande.