Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
9 mai 2013 4 09 /05 /mai /2013 20:33

En ce tout début du mois de mai, il nous plait bien ce quatrième et dernier segment de notre traversée de Valparaiso à Tahiti : l’approche des 20° de latitude, la perspective de l’alizé du sud-est, la douceur des eaux polynésiennes, tout laisse présager une navigation douce et ensoleillée.

                                     P1050174

                                                  Vous avez dit "brothers" ?

Mais Sieur Pacifique, lui, est d’humeur joueuse, voire bagarreuse. Alioth, qui rechigne sans doute à rentrer dans la partie, s’offre un petit caprice de descente de quille, le 1er mai après-midi, à la sortie de l’archipel des Gambier. Le temps est morose et c’est sous  un ciel bas et lourd" et une pluie battante que s’effectuent notre départ et notre première nuit de mer. Durant 48h, nous progressons lentement sous un système de vents très instables, en force et en direction avant que la dépression annoncée sur les Gambier ne nous rattrape. Notre route, d’un peu moins de 900 milles, nous amène grossièrement à laisser les Tuamotu à tribord et les Australes à bâbord.

                                         P1050178

                                                       François à la barre.

L’absence de pilote automatique marque à nouveau l’organisation du bord. Nous avons repris notre régime de quart à deux par roulement de quatre heures : François et Luc d’une part, Dominique et Christiane de l’autre. Catherine apporte son appui à la manoeuvre et se met en veille constante et en action fréquente pour assurer le bien être du bord. Elle se fait tour à tour boulangère, cuisinière, ménagère, toutes missions bien ingrates et difficiles à mener par gros temps, mais ô combien appréciées du reste de l’équipage focalisé sur le fonctionnement du bateau. François, en skipper confirmé, apporte une compétence bien utile dans le contexte venté qui nous attend. Dominique ne ménage pas ses heures de barre et d’activité malgré son pied douloureux. Quant à Luc, il est bien souvent mobilisé sur les petits services techniques qui ne manquent pas d’égrener la vie du bord.

                                    P1050177

                                    Pommes de terre, taros (beiges) et patate douce (violette) : un délice !

                                    P1050192

                    Fruit de l'arbre à pain (qui se mange cuit et a un goût de pomme de terre)

Le 3 mai à midi les choses sérieuses s‘engagent. Le vent monte à 25-30 nœuds. En fin de journée, instruits par les incidents qui ont précédé notre arrivée aux Gambier, nous préparons le bateau pour la nuit : deux ris dans la grand voile et un solent que l’on peut partiellement enrouler en cas d’accélération du vent. La nuit du 4 au 5 mai se fait particulièrement rude et nous ne regretterons pas ces précautions rééditées. A 3h du matin, sous un déluge de pluie, le vent monte à plus de 40 nœuds avec une claque record enregistrée à 46.7 noeuds. Alioth fonce de façon impressionnante dans la nuit noire et dévale les vagues qui déferlent de l’arrière et l’embarquent au lof ou à l’abattée, selon. Hypnotisés par les deux gros yeux rouges des tableaux de bord, nous surveillons assidûment les « compteurs » : angle du vent, cap compas et vitesse du vent pour l’essentiel. La tenue de la barre est difficile par ce vent arrière et cette mer chahutée mais nous nous relayons d’heure en heure et tiendrons le rythme des 25 à 30 nœuds jusqu’à l’arrivée.

La semaine aura été intense : le bateau est puissant, barrer demande concentration et engagement physique et les mouvements désordonnés du bateau accroissent la fatigue. Alors que nous avons la chance d’être cinq à bord, nous avons une pensée toute particulière pour le skipper solitaire de Steven qui, en panne de pilote, a fait 750 milles seul à la barre avant de parvenir à l’île de Pâques ou au couple de Pégase qui a effectué une traversée de l’Atlantique sans pilote. Chapeau ! Mais, d’une certaine manière, nous reconnaissons avoir apprécié ce retour à la navigation de nos jeunes années où seule l’écoute de grande voile enroulée autour de la barre franche nous servait occasionnellement de pilote automatique. Nous avons retrouvé, à cette occasion, un vrai plaisir de la barre que nous négligeons trop souvent par facilité électronique.

                                          P1050186

                                                          Le long des côtes de Tahiti

Le 7 mai au matin se dessinent les hauteurs de Tahiti, légèrement voilées par la brume. Le vent est toujours soutenu sous le soleil enfin revenu. Fatigués, mais heureux d’arriver au but, nous laissons Tahiti à bâbord pour rejoindre l’île de Moorea par le nord et arriver vers 16h au mouillage d’entrée de la baie d’Opunohu. Les paysages de la côte sont splendides mais nous sommes rapidement rattrapés par un incident de guindeau qui gâche une arrivée aux allures idylliques dans un mouillage un peu étroit. Le temps d’un diagnostic et d’un essai électrique infructueux, les safrans « touchent » et nous devons remonter d’urgence la chaîne à la main. Vers 17h30 nous sommes correctement mouillés de l’autre côté de la baie en compagnie d’une douzaine de bateaux.

                                         P1050195

                                           Splendide mouillage à l'entrée de la baie d'Opunohu

Là, surprise, nous retrouvons le petit catamaran allemand à deux mâts croisé aux îles du Cap Vert puis en Uruguay. IL a changé de propriétaire en cours de chemin mais si la route est longue, le monde, lui, est vraiment petit ! 

Il ne nous reste plus qu’à profiter quelques jours de Moorea avant de rejoindre Papeete d’où Catherine et François croiseront le 14 mai à l’aéroport Elisabeth qui nous rejoint pour quelques semaines de navigation entre les îles. Nous aurons vécu avec eux deux des traversées et des escales particulièrement riches et significatives de notre route qui nous laisseront de grands souvenirs. Quant à Catherine nous lui délivrons un Alioth d’or car, pour une première traversée, elle n’a pas choisi le périple le plus facile et son adaptation aux conditions météo nous a tous impressionnés !

PS : quelques photos sont sur l'album S4-8 Tonique Pacifique

Partager cet article
Repost0

commentaires