Situé à 1650km au sud-est de Tahiti, l’archipel des Gambier (23°20S – 134°45W) est composé d’un groupe de dix îles cernées d’un losange de corail qui sépare le lagon de l’océan. Contrairement aux Tuamotu voisines, les îles sont élevées et culminent à près de 500m.
Voici encore un territoire au redoutable passé. Les îles peuplées entre le Xème et le XIIème siècles, ont été découvertes en 1797 par un équipage anglais qui donna à l’archipel le nom de l’amiral parrain de l’expédition. En 1834, fut fondée la première mission catholique de l’île qui convertit rapidement l’ensemble de la population. Honoré Laval, le supérieur de la mission, se fit alors le maître de l’archipel et institua une théocratie qui épuisa la population dans un délirant programme de construction de routes et d’édifices religieux (9 chapelles ou églises et une cathédrale !). De 5000 à 6000 habitants la population déclina, jusqu’à ne plus atteindre que 463 âmes au recensement de 1887. Honni, Laval dut s’exiler à Tahiti en 1871. L’annexion par la France fut prononcée en 1881.
La cathédrale de Rikitea
Le lendemain de notre arrivée, nous suivons Shag pour rejoindre un mouillage de rêve situé au nord-ouest du lagon : plages de cocotier, baignades, snorkelling, et pêches nocturnes sur le platier situé à l’extérieur de la barrière de corail. Belle récolte des trois pêcheurs du bord : six cigales, un poin-poin (curieux dormeur porteur de gros points sur le dos) et une langouste ! La pêche aurait été un plein succès si Dominique ne s’était cassé un orteil en traversant la lande de terre qui menait au platier. La fracture donne un goût un peu amer aux deux délicieuses cigales pêchées par notre capitaine du moment contraint à une mobilité réduite pour quelques semaines.
Cigales et poin-poin
De retour à Rikitea, nous visitons la ferme perlière de Dominique Devaux, située sur la face ouest de l’île, à 5km de Rikitea. Ici, point de taxis mais une épicière qui accepte que sa fille nous conduise à destination ; le retour, lui, se fera en auto-stop : dans ce tout petit univers, la solidarité est de mise et le sens du service semble aller de soi. La visite de la ferme est passionnante. Quelle entreprise peut dans des bâtiments de quelques centaines de m² plantés sur le lagon associer une activité aussi basique que le nettoyage de produits de la mer, un centre chirurgical de haute précision et un laboratoire de joaillerie qui manie des milliers de perles de grande valeur ? Une ferme de production de nacre. Celle de Dominique Devaux est une des quarante entités qui exploitent cette industrie sur l’archipel. Monsieur Wan, chinois propriétaire d’une des îles, exploite à lui seul 50% des 1200 ha mis en concession par les pouvoirs publics et s’est organisé un business totalement intégré, de la production au réseau de bijouteries. Nous repartons non pas couverts de colliers de perles mais munis d’un kilo de pied de nacre, le korori, produit en abondance par la ferme et offert par le personnel : c’est décidément une industrie où rien ne se perd. Sur le chemin du retour nous ramassons pamplemousses, goyaves, citrons… Ici la nature est généreuse.
Bravo les nacres !
Il y aurait encore beaucoup à faire et à voir, mais nous avons décidé de repartir à 15h ce mercredi, sous un ciel pluvieux et plombé, pour éviter le coup de vent qui menace l’archipel en fin de semaine. Nous tenterons de parer sur notre route les déchets atomiques de Mururoa et nous offrirons une ou deux escales, si le temps le permet, avant notre date limite d’arrivée à Papeete fixée au 14 mai.
A bientôt !