Notre deuxième semaine de mission est en voie d’achèvement. Après un premier temps passé dans le village de Dionewar, l’équipe a, durant le week end, pris position au dispensaire de Niodior situé sur l’île voisine. Après un mouillage face à Nodior rapidement abandonné pour causes d’instabilité et d’éloignement d’une part, et de quasi naufrage de l’annexe VSF d’autre part, le retour au paisible mouillage de Dionewar et la mise en réparation de l’annexe se sont vite imposées. Les distances étant longues, différentes initiatives ont été entreprises pour assurer les transports journaliers :
- L’aller-retour en pirogue dont le houleux, et pour tout dire risqué, retour dans le travers des vagues n’ouvrira pas la chance à une deuxième tentative
- L’aller-retour en charrette tractée par le valeureux Sarkozy stimulé par les encourageants « Achoï-Achoï » d’Ousmane qui ne craint pas de perdre ses points de permis en téléphonant de son portable
- Ou encore coucher à Niodior à « la maison blanche », solution adoptée par une partie de l’équipe de Vao-Vao.
Les journées à terre se ressemblent : consultations le matin, déjeuner sur place d’un « thieboudienne » -riz au poisson- ou d’un « thieboudia » -riz à la viande- assis au sol sur une natte en partageant la même assiette-plat, le tout arrosé d’un « bissap », boisson nationale à base de fleurs d’hibiscus. Reprise des consultations après « la grosse chaleur », soit vers 15h-15h30.
Jean François, le dentiste, ainsi qu’Amélie et Fatou, les opticiennes, ont des journées bien chargées. En revanche, le reste de l’équipe médicale est plutôt sous employée : les deux villages de Dionewar et Niodior bénéficient chacun d’un excellent dispensaire placé sous l’autorité respective de deux ICP -Infirmiers Chefs de Poste- qui, au Sénégal, ont le rang de médecin. Les doubler par des actions ponctuelles est au mieux surabondant -quoiqu’éventuellement reposant pour l’ICP concerné- et au pire maladroit.
Chacun-e fait de son mieux néanmoins pour se rendre utile :
- Les tâches d’entretien des bateaux et d’intendance générale reviennent naturellement aux skippers
- Christian et Luc, les deux médecins, complètent leurs temps de consultation par des actions de détection ophtalmologique auprès des publics scolaires en vue d’alléger la tâche des deux opticiennes ; Luc anime par ailleurs des séances de formation-information auprès des lycéens
- Martine, la sage-femme, organise des « causeries » avec les femmes du village
- Christiane, en appui de l’inébranlable Monique, s’initie à l’assistance dentaire pour se faire experte dans la tenue du crachoir face à l’infatigable Jean-François et à Marie-Pierre, la très charmante et compétente interprète locale
- Les skippers, Alain et Dominique, se font les arpenteurs-géomètres-architectes d’un projet d’extension du dispensaire porté par Christian. Christian et Christiane en finalisent le dossier présenté aux autorités de Foudjoune en fin de semaine. Dominique est chargé de rencontrer le maçon qui promet et fournit son devis dès le lendemain.
- Dominique coordonne par ailleurs la logistique retour du matériel entre Niodior et les bateaux.
- France-Lise et Dom forment les enseignant-e-s aux premiers gestes du secourisme
- quant à Alain, il assure généreusement sur l’annexe de Vao-Vao les nombreuses navettes de bateau à terre, terre à bateau, bateau à bateau… et vice-versa…. pour compenser l’absence de l’annexe VSF en réparation et les peux courageux aliothistes qui n’ont pas sorti leur propre « tender ».
Le tout sous la haute coordination de Max aidé du très entreprenant Mame-Mor.
Logistique encore, Vao-Vao est parti ce jeudi matin pour récupérer à Mare-Lodj le matériel de polissage des verres nécessaire aux oculistes et permettre à Christian et Max de participer à la réunion de Foudjoune.
Vendredi après-midi, « on démonte ». Samedi matin, les deux bateaux partent pour Falia, dernière étape de cette première mission avant un nouveau passage à la base de Mare-Lodj et un retour sur Dakar programmé pour la journée du jeudi 11 mars. L’occasion, entre autre, de remettre un peu le bateau sous voile et de refaire le plein d’eau.
Après l’agitation désordonnée de Dakar, la vie dans les villages est d’une surprenante sérénité. Les rues en sable sont couvertes de coquillages qui font office de gravier. Chèvres et poules y vivent en toute liberté tandis que les ânes sont le plus souvent au piquet. Les palmiers bordent les plages magnifiques et désertes hors activités de pêche.
Au petit ponton de Niodior, les porte-containers se réduisent à la taille des pirogues, la main d’œuvre juvénile fait office de dockers et les sacs de riz ou les planches de bois transitent sur des charrettes à âne.
Inlassablement, les femmes, les jeunes filles, les petites filles, toujours en mouvement, transportent enfants sur le dos et bassines sur la tête. Les blouses des collège ou lycée affichent celles et ceux qui se destinent à faire des études. Ecole arabe et école coranique offrent au choix des parents deux autres types de parcours scolaire. L’Islam est omniprésent dans la société.
Les hommes sont à la pêche… ou dans la case à palabres. Les tout petits sont partout et crient « toubabs, toubabs » en espérant toujours un cadeau ou le plaisir de se voir pris en photo. Ils aiment nous accompagner en nous donnant la main mais la conversation s’arrête immanquablement à un « bonjour, comment tu t’appelles ? » dont ils semblent en général ne pas dépasser le sens.
Les maisons sont en parpaings, le plus souvent couvertes de tôles ondulées. Elles inscrivent l’espace familial autour d’une cour carrée et fermée. La polygamie est de droit, la circoncision de rigueur, l’excision clandestine.
Pas ou peu de boutiques : à l’exception de l’approvisionnement extérieur en riz, les deux villages semblent vivre en quasi autarcie. Une étonnante « boutique-auto » déconcerte dans ce paysage sans voiture. La petite halle de Niodior est éloquente sur l’économie locale : la douzaine de femmes présentes viennent chacune y vendre quelques unités de poivrons, aubergines, choux ou tomates de leur jardin.
A proximité des villages, règnent les imposants baobabs sacrés entourés de leur cercle de cocotiers. La nuit laisse entendre le hurlement des chacals occasionnellement surpris en plein jour dans leur course sur des aires sans limite. De jour les oiseaux, nombreux, offrent des harmonies nouvelles à nos oreilles. Le paysage des bôlons et de la mangrove en impose par sa grandiose simplicité.
Tout ceci est une riche expérience qui nous laisse malgré tout interrogatifs sur notre courte et nouvelle vie de « missionnaires ». Le questionnement « quoi, pourquoi, où, quand, (pour) qui, comment » mérite d’être posé sans que nous soyons encore, dans l’état actuel des choses, capables d’y apporter nos propres réponses. « Sois à l’écoute, tout parle, tout est parole, tout cherche à nous communiquer une connaissance » dit un vieux proverbe africain.
Merci à l’hôtel Delta Niominka* pour la connexion fournie durant ces quinze jours !
* Les Niominkas des îles du Saloum sont comme les Lebou du Cap Vert, des peuples pêcheurs Sérères.