Tandis que l’équipe sud[1] , à bord d’Alioth, se déploie entre Rio et Paraty sur les « terminaux » historiques de la route de l’or, l’équipe nord, soit Christiane et Luc, remonte la Estrada Real -la voie royale- qui mène jusqu’à Ouro Preto -la ville de l’or- et Diamantina- la ville des diamants. C’est en autocar que le déplacement est prévu compte tenu des performances reconnues et confirmées des ‘Rodovarias’, les gares routières brésiliennes.
Malgré quelques approches d’orpailleurs et grattages de cailloux dans les montagnes, point d’or ni de diamant ramené de ce périple prometteur mais quantité de trésors qui ont jalonné ce magnifique parcours.
Histoire passée, histoire actuelle
S’il est besoin de citer des lieux où la géographie, ou plus précisément ici la géologie, joue un rôle déterminant dans l’Histoire, le Minas Gerais peut figurer dans les tout premiers rangs de la liste, l’attrait de l’or et des pierres précieuses ayant fourni la clé de pénétration de ce territoire. A noter que si les conquêtes de la côte incluaient les risques de la traversée océanique, les conquêtes de l’intérieur y ajoutaient les dangers liés à la rencontre des populations indigènes, aux animaux sauvages, à une nature exubérante dans un espace montagneux (1300m d’altitude moyenne dans le Minas Gerais).
Le charme et la beauté des villes coloniales renvoient à la rudesse et à la richesse de l’histoire. Cette dernière se raconte notamment au travers du célèbre Antonio Dias qui découvrit le site aurifère d’Ouro Preto ; de Chico Rei, le roi congolais capturé au début des années 1700 avec sa tribu, qui à force de travail acharné parvint à acheter sa liberté, celle de son fils puis celle de ses sujets pour finalement reprendre l’exploitation minière dont ils étaient les esclaves et rétablir richement royaume et traditions africaines au cœur de la ville d’Ouro Preto, ce qui ne fut pas du goût de la couronne portugaise ; ou de Joaquim José da Silva Xavier , dit Tiradentes –du fait de sa fonction de dentiste- le leader d’une des plus célèbres importantes rébellions contre la couronne portugaise, l’Inconfendencia mineira (1788-1789), qui fut arrêté puis exécuté en 1792.
Ouro-Preto, Musée de l'Inconfidencia mineira
Mais ce voyage fut aussi l’occasion de rencontres avec différents personnages qui ont fait l’histoire plus récente du Brésil : les 6ème et 12 ème Présidents de la République, Alfonso Pena qui fut Président de 1906 à 1910 et Artur Bernardes de 1922 à 1926 qui ont tout deux fait leurs études dans le célèbre collège de Caraça évoqué ci-après. Juscinio Kubitschek, l’enfant du pays de Diamantina qui fut un président très aimé des brésiliens et dont le ‘règne’ s’étendit de 1955 à 1964, date d’arrivée des militaires au pouvoir et qui inaugura la nouvelle capitale de Brasilia en 1960. Et enfin Tancredo Neves, également né dans le Minas Gerais et grande personnalité brésilienne qui, après avoir mené l’alliance démocratique en lutte contre la dictature, fut élu président du Brésil en janvier 1985 et provoqua le déarroi de son peuple en mourant d’une crise cardiaque en avril de la même année, avant même la prise officielle de ses fonctions.
Art baroque, art contemporain
Ce voyage fut l’occasion de grandes découvertes artistiques.
Au titre de l’art baroque, nous citerons essentiellement celle de l’artiste Antonio Francisco de Lisboao, dit l’Aleijadinho - le petit estropié né à Ouro Preto en 1738. Ayant contracté une maladie évolutive, vraisemblablement la lèpre, il souffrit en effet d’un handicap qui l’atteignit d’abord aux jambes et évolua jusqu’à la fin de sa vie obligeant, dans ses dernières années, ses assistants à lui attacher les outils aux mains pour lui permettre de continuer à sculpter. L’Aleijadinho était le fils naturel d’un sculpteur réputé Manuel Francisco Lisboa et d’une esclave. Mais rapidement le fils dépassa le père et devint le maître incontesté d’un mouvement connu sous le nom de ‘Barroco mineiro’ qui fit évoluer le style baroque européen étudié sur plan et sur peinture vers un style très élégant et propre au Brésil. L’Aleijadinho était tout à la fois architecte, peintre et sculpteur et travaillait en compagnonnage avec un groupe de grands artistes dont le plus connu est le peintre Manuel da Costa Ataide.
Le Brésil doit à l’Aleijadinho bon nombre de chefs d’œuvre dont les églises de Saint François d’Assise d’Ouro Preto et de Sao Jao del Rei et les œuvres du remarquable site de Congonhas qui comprend en extérieur et en contrebas de la basilique Bom Jesus de Matosinhos douze extraordinaires sculptures en pierre des Prophètes ainsi que six petites chapelles abritant des sculptures en bois mettant en scène la Passion du Christ. Les unes comme les autres sont d’une très grande expression artistique et si la gravité est de mise du côté des Prophètes, l’ironie n’est pas absente du chemin de Croix : les Romains y abritent des caricatures des Portugais et la Passion du Christ semble transposer le martyr de Tiradentes.
Congonhas - Le Prophète Jonas (et sa baleine)
Mais le Minas Gerais ne s’enferme pas sur son passé et porte un grand intérê à l’art contemporain. Le somptueux et récent Palais des Arts de Belo Horizonte nous a permis de visiter l’exposition des œuvres de la 29ème biennale d’art contemporain de Sao Paulo. Le titre de cette biennale est d’ailleurs savoureux et nous le livrons à la réflexion de nos lectrices et lecteurs :
« Ha sempre un copo de mar por un homen navegar » soit, faute d’avoir trouvé une traduction française satisfaisante : « There is always a cup of sea to sail in ».
Du côté de l’art contemporain, nous sommes éblouis par la beauté du parc d’Inhotim qui, à une cinquantaine de kilomètres de Belo Horizonte, présente dans un cadre paysagé de toute beauté un ensemble d’œuvres remarquables, les unes en extérieur, les autres sous forme d’installations dans des pavillons parfaitement intégrés au paysage.
Ressources minières d’hier et d’aujourd’hui
L’Etat du Minas Gerais est un territoire de montagne richement doté en minerais. L’or et les diamants ont fait la fortune des conquistadors portugais d’où la richesse de cette région en demeures coloniales, églises, palais… On considère qu’au XVIIIème siècle, le Minas Gerais produisait le tiers de l’or du monde.
Les Ecoles des Mines y sont très présentes et par affinité familiale, nous avons particulièrement apprécié les visites des très belles et intéressantes Ecoles d’Ouro Preto qui, face à l’ancien palais du gouvernement domine la place Tiradentes, et de Diamantina installée dans la magnifique ‘Casa da Gloria’.
Ecole des Mines - Ouro Preto
Ces écoles sont aujourd’hui d’importants centres de recherche et d’enseignement car l’histoire minière du Minas Gerais ne s’est pas éteinte avec l’épuisement de ses ressources aurifères. Des pans entiers de montagne et de gigantesques mines à ciel ouvert permettent de récolter le fer, la bauxite, le manganèse. Ceci pour ne parler que des richesses du Minas Gerais : l’équipe sud, de son côté, prend toute la mesure entre Ilha Grande et la côte de l’Etat de Rio de l’importance des développements de l’exploration pétrolière.
Architecture, coloniale et moderne
L’architecture coloniale et le baroque brésilien sont le rendez-vous attendu de ce voyage et l’urbanisme des villes coloniales d’Ouro Preto, Mariana, Diamantina, Serro, Sao Jao del Rei, Tiradentes présente dans la diversité une belle unité de style qui n’est pas sans rappeler celle de la jolie ville de Paraty.
Mais dans ce domaine également, la modernité est là pour nous surprendre. Nous citerons à ce sujet la ville de Belo Horizonte, capitale de l’Etat depuis la fin du XIXème siècle en relais de la ville d’Ouro Preto devenue trop inaccessible. Belo Horizonte est construite sur la base d’un double quadrillage -en carrés et diagonales- qui donne une véritable originalité à cette ville escarpée dans laquelle Juscinio Kubitschek, maire de 1940 à 1945, fit appel au tout jeune architecte diplômé Oscar Niemeyer pour la réalisation de plusieurs projets.
Le Maire, Juscinio Kubitschek décida également de la création d’un quartier nouveau à Pampulha au nord-ouest de Belo Horizonte, où il impulsa la réalisation de quelques constructions saisissantes également de facture Niemeyer: le Musée d’art, la ‘Casa do Baile’ -la salle de bal maintenant reconvertie en salle d’exposition- et surtout la merveilleuse petite Eglise Saint François d’Assise œuvre de trois grands maîtres : l’architecte Oscar Niemeyer, le peintre Candido Portinari et le paysagiste Karl Burle Marx.
Azulejos de Portinari - Eglise Saint François d'Assise - Pampulha
Espaces naturels, espaces paysagés
Le Minas Gerais est aussi, à la dimension du Brésil, une terre de grands espaces naturels : les montagnes qui le parcourent, quoique de faible altitude, offrent des paysages grandioses. Notre visite au Parc naturel de Caraça nous a valu l’étonnante immersion dans un territoire de 12000ha humainement occupé par les seuls église et bâtiment monastique de la communauté qui gère le Sanctuaire. Au programme, chemins déserts et cascades et le majestueux spectacle nocturne des superbes loups à crinière, apprivoisés par les moines, qui viennent chaque soir sur le parvis de l’église se régaler -timidement- des reliefs de nos repas.
Le parc d'art contemporain d'Inhotim
Mais le Brésil sait aussi admirablement maîtriser la nature et aménager des espaces exceptionnels, tel fut le cas du remarquable jardin d’Inhotim qui sur près de 100ha offre un espace où vivent 1300 espèces de plantes dans une harmonie qui relève du paradis.
PS : les photos correspondant à cet article se situent dans l’album ‘AS - les chemins de l’or et des diamants : l’équipe nord sur la voie terrestre’
Pendant cette période se déroule la tragédie du Moyen Orient que la presse brésilienne traite avec le plus grand sérieux mais aussi avec humour
Kadhafi : Comment cela, "game over" ?