Nous quittons La Palma le mercredi 3 février après midi sous l’amical salut jaune canari des nantais de ‘Hédone’ et avec une pensée pour nos amis de ‘Castafiore’ bloqués à Grande Canarie pour problèmes techniques. Après une matinée de soleil, les nuages s’accumulent sur l’île et il est réjouissant de rejoindre les vastes zones d’éclaircies qui, en mer, se prolongent à l’infini. Le temps est doux et c’est avec satisfaction que nous envoyons le spi, très délaissé depuis notre départ de Cherbourg. Le vent baisse durant la nuit que nous passons malgré tout, par précaution, sous gennaker.
Le lendemain jeudi 4 février, est notre première grande journée de belle mer : soleil, alizés, ciel bleu azur agrémenté de cumulus ; nous sommes heureux d’avoir, au fil des semaines, égrené les milles qui nous mènent dans ces zones de navigation idyllique. Le vendredi est une journée particulièrement performante où nous alignons au portant quelque 210 milles en 24h, route plein sud, direction Dakar.
Nous savons notre destination prochaine plus dépaysante que d’accoutumée et les lectures du bord sont très orientées Sénégal et Afrique. Il s’agit par ailleurs d’arriver en temps pour que François puisse, à Dakar, remettre les pas dans les traces de son enfance avant son retour vers la vie professionnelle programmé par avion le 10 février.
Le samedi 6 février commence par un énergique nettoyage de pont suivi d’une première «baignade-traînade » à l’arrière du bateau. Le vent est faible et sous un ciel vierge de tout nuage, il est bon de se faire remorquer par un bout dans une eau voisinant la température de la Manche en plein mois de juillet. Petite pensée aquatique pour celles et ceux qui, dans les 49° nord de la France, se remettent d’une dure semaine de travail et ébauchent leurs plans de week-end dans une ambiance hivernale un peu maussade…
Après les côtes marocaines, ce sont les côtes mauritaniennes qui défilent, invisibles, sous le vent. Nous passons les 20° de latitude nord et le célèbre Banc d’Arguin. Dans le courant de l’après-midi, deux baleines nous font l’honneur de leur compagnie à quelques dizaines de mètres du bateau. Leur lente et majestueuse progression rythmée par leur grand souffle profond contraste singulièrement avec l’énergique et inépuisable ballet de la compagnie de dauphins venue longuement se joindre à nous au coucher du soleil.
Malgré les efforts, théoriques et pratiques des experts, les résultats de la pêche sont inexistants à ce jour, ce qui ne porte malgré tout pas atteinte à la qualité gastronomique du bord à laquelle tout un chacun-e contribue avec cœur et compétence. Côté distance, nous ne sauverons le score de notre samedi que grâce au puissant secours de notre Nanni Diesel qui nous permet de maintenir, un peu bruyamment certes, le rythme de 7 nœuds de progression.
Après une paisible et un peu langoureuse nuit de navigation, nous parvenons dans la matinée à la hauteur de Nouakchott dans un 18/18 presque parfait : 18° de latitude nord et 18° de longitude ouest. La journée peu ventée devient progressivement grise. Les animations halieutiques se réduisent aux bans de calamars et la pêche reste infructueuse….
Lundi nous ouvrons la semaine sous un soleil splendide et rapidement le spi se gonfle par brise de 15 nœuds. Le bonheur est parfait pour cette dernière grande journée de mer et l’après-midi se joue en apothéose avec la pêche d’une splendide dorade coryphène et le passage d’un banc de rorquals : merveilleuse conclusion de ce mois de premiers pas autour du monde qui, du 8 janvier au 8 février, nous a transportés de Cherbourg à Dakar. L’arrivée à Dakar se fait au coucher du soleil : à la rencontre des magnifiques pirogues colorées qui parsèment la baie. L’océan se fracasse sur la pointe des Almadies. Une fois passées la pointe Manuel et l’île de Gorée nous mouillons vers 22h dans l’anse de Hann… et nous régalons de notre pêche du jour.
Mardi matin, dépaysement garanti…
Les dictons de ces jours de traversée, tous vécus in situ :
« Coup de tangon, rend le marin bougon »
« Quand souffle l’harmattan, le rorqual t’attend »
« Qui pêche la coryphène mérite sa peine »