Le 31 décembre à 15h s’instaure un grand vide affectif et émotionnel, matériel et organisationnel. Notre jeune équipage composé de nos enfants Guillaume, Marie Ange et Thibaut accompagnés d’Alexandre (4 ans) et Raphaël (16 mois) viennent de quitter le Iate Clube de Rio de Janeiro à destination de l’aéroport pour un réveillon à 10 000m d’altitude.
Nous venons de passer quinze jours intensément merveilleux riches de :
- la participation des « macacos », nos petits moussaillons en culottes courtes :
o Alexandre -dit ‘le Capitaine’ compte tenu de son aptitude à coordonner les manœuvres (mouillage, envoi de spinnaker…) et à assurer un quart de nuit entier dans le cockpit (pour cause de mal de mer, on vous l’accorde) est un grand habitué des sorties en mer et vit à bord avec l’aisance d’un marin d’expérience. Son quatuor préféré : plage et baignade ‘avec frite’, dessin et dinosaure. Pour lui ce sont des vacances qui ‘dépotent du genou’ mais il repart de Rio et de la baie de Botafogo frustré de ce que le type, là-haut, aux bras grand ouverts sur le Corcovado, n’ait toujours pas réussi à sauter…
o Raphaël -dit ‘le Navigateur’ pour son amour de la table à carte- a jugé sévère le mix entre milieu mouvant et grosse chaleur des premiers jours. Difficile quand on marche depuis si peu de se trouver projeté en milieu instable truffé de dénivellations et d’obstacles. Mais grâce à des efforts exploratoires soutenus, c’est avec assurance et agilité que le petit mousse achève son séjour à bord : balai des toilettes avant, extincteurs d’incendie, écrans de navigation, tableau de bord du moteur font partie de ses éblouissement favoris. Sa toute récente dînette nous a valu de désopilants moments de jeu et d’échange et la piscine privée spécialement mise en eau à l’arrière du cockpit a permis un rafraîchissement périodique de notre jeune matelot en surchauffe.
A savoir qui est le plus heureux des trois...
- le programme de navigation orienté vers la baie d’Ilha Grande nous a amenés à repousser nos frontières occidentales. Partis de Rio, la magnifique Ilha Grande nous offre divers mouillages dans une absolue tranquillité : les vacances brésiliennes débutant le 25 décembre, nous disposons d’un moment très privilégié avant l’envahissement de la période d’été. Un programme ‘face nord’ de l’île :
o Ravissante Enseada das Palmas doublée d’une promenade à la mythique plage Lopes Mendes.
o Exploration du merveilleux mouillage des Macacos -dit aussi Lagoa Azul- où les eaux sont particulièrement transparentes : masques et tubas sortis, à nous tortues et poissons…
o Retour vers l’Est pour rejoindre Abraao sous de très agréables bords de près par 10 nœuds de vent. Nous tombons sous le charme de cette petite ville aux rues de sable où, ici encore, le tourisme a su se développer agréablement. Petit dîner de tapas entre plage, ravissante église illuminée et sapin de Noël tout de matériaux de récupération en plastique. L’île, très soucieuse de protection environnementale, se veut exemplaire sur ce chapitre et s’interdit, entre autres, la présence de véhicules automobiles. Délicieux mouillage dans une anse voisine devant la ravissante maison de Sylvana et George, rencontrés à Buzios lors de la régate des Veleiros classicos sur leur splendide goélette Dalia. Agréable et intéressants échanges avec les propriétaires des lieux par ailleurs très impliqués dans un grand programme environnemental dans le Parc Cantao le long du fleuve Araguaia. Ils y défendent notamment la vie des loutres géantes, des jaguars, des ‘arpias’ (les plus grands aigles du monde). Pour un peu d’exotisme : www.araguaia.org
o Retour vers l’Ouest dans la belle Enseada de Sitio Forte, promenade à terre, petit dîner en bord d’eau et retour à bord, à la rame et dans la bonne humeur, sous une pluie diluvienne.
o Le 23 décembre départ pour Paraty située sur la côte. Cette ville d’une région autrefois habitée par les Indiens Guianas et Tamoios, a une histoire bien particulière dans la mesure où elle fut le port d’expédition de l’or du Minas Gerais découvert à la fin du XVIIème siècle. Une route pavée de près de 800km –o caminho de ouro- fut construite pour acheminer le précieux minerai au travers des escarpements de la Serra do Mar. Paraty devint un port très important et animé autour d’une ravissante ville portugaise construite au niveau de la mer afin de permettre le lavage des rues par haute mer aux époques de grandes marées. Les maisons surélevées, les rues en pans inclinés vers un ruisseau central assuraient le bon fonctionnement de ce système auto-nettoyant qui a, de nos jours, plus de difficultés à remplir sa mission à la suite des naturelles extensions de la ville. Les ‘pes-de-moleques’, les gros pavés des rues de la vieille ville, s’avèrent peu favorables à la déambulation en poussette mais la découverte du lieu est un ravissement. Et en ce 24 décembre, si le Père Noël est apparu dans les haubans, il nous rejoint également sur l’eau sous la forme d’un secourable brésilien qui déjoue la panne de notre moteur d’annexe en nous offrant un remorquage alternatif à un long, chargé et difficile retour à la rame vers Alioth. Bravo les Brésiliens !
la jolie ville de Paraty
- l’ambiance de Noël sous les Tropiques est toujours un peu déroutante mais rien n’est sacrifié au rituel : champagne et pineau des Charentes, foie gras et chocolats généreusement importés par notre équipage pour satisfaire à la tradition ; daurade de Paraty et desserts brésiliens pour apporter la couleur locale ; le tout chaleureusement orchestré dans le cockpit avec une pensée toute particulière pour les absents.
Natal 2010
- Le 25 après-midi à l’issue de l’exploration d’un ‘fjord’ situé au sud de Paraty et d’un mouillage de rêve à l’île de Cotia, il faut songer au retour. Nouvelle halte à Abraao : arrêt chez le glacier, bain sous cascade, point internet et courses d’appoint, suivis d’un nouveau retour à bord sous pluie battante.
- Le 27 départ pour Rio. Matinée mi-figue, mi-raisin : pêche d’une belle daurade coryphène corrélée à un vigoureux plantage d’hameçon dans le fond de la main de Luc. Tandis que Marie-Ange divertit les enfants, Thibaut joue habilement les chirurgiens en l’absence d’un anesthésiant local introuvable tandis que Guillaume préfère le découpage du poisson à celui de la main paternelle[1]. Notre dernière demi-journée de navigation est en revanche somptueuse avec un rare vent du sud qui nous permet un long bord sous gennaker pour finir par une grandiose arrivée sur Rio sous spi et sous le soleil !
Il ne reste que trois jours avant le départ pour visiter Rio. C’est beaucoup trop peu et un peu frustrant d’autant que notre bien-aimé Cocoroca, le fidèle bateau-taxi du club nous pose un lapin le 30 décembre au soir annihilant toute chance de sortie pour la dernière soirée…
Ce sont deux semaines très intenses qui ont conclu cette fin d’année. Bravo à tous : les grands qui se sont avérés comme toujours d’excellents et chaleureux co-équipiers, les parents, Marie-Ange et Thibaut, assujettis parfois à la résolution de difficiles équations, Guillaume, l’oncle attentif et affectueux, les macacos qui nous ont réjoui de leurs jeux et de leur enthousiasme, tous pour être venus jusqu’ici partager notre sillage.
Pour juguler les regrets du départ, nous nous sommes laissé engloutir le 31 au soir, grâce à nos amis Liza et Serge, dans une fantastique nuit de réveillon à Copacabana. Mais ceci est encore une toute autre histoire…
Christiane et Luc
PS : les photos correspondant à cet article sont sur l'album 'AS 5 - Feliz Natal 2010'
[1] A l’heure où ces lignes sont écrites, la main est en voie complète de guérison