C’était un très attendu retour des choses que d’accueillir nos excellents vieux amis Catherine et François si souvent complices dans les années passées de magnifiques navigations sur leur fougueux catamaran Outremer « Carpe Diem » : Baléares, Tunisie-Sicile, Iles Vierges britanniques… Voici donc pour eux une belle quinzaine hivernale habilement volée à la vie professionnelle et à une intense période de travaux de restauration de maison qui aurait pu se terminer en voyage terrestre dans le Rio Grande do Sul ou dans le Minas Gerais si le marathon technique engagé à bord d’Alioth durant leur semaine d’arrivée ne s’était pas miraculeusement conclu et ce, grâce à l’aide précieuse d’amis franco-brésiliens, à l’efficacité du Iate Clube de Rio de Janeiro, au savoir faire technique local (bravo les mécanos !), à la gestion « situation de crise » habilement menée par Luc et à l’intense préparation logistique de Dominique revenu à Rio le 7 janvier chargé d’une valise semi-remorque de pièces détachées. Rarement le terme de « juste à temps » ne nous aura paru aussi strictement pertinent.
Nous passerons sur les quelques journées passées à Rio qui ont permis à nos Bretons d’explorer la ville -sans négliger de mettre la main à la pâte- sur les moments forts que nous avons partagés : un article en devenir a pour intention une petite synthèse de ces périodes de découverte de l’univers des Cariocas que nous avons, en différents épisodes, tout particulièrement appréciées.
Le Iate Club de Rio de Janeiro
Le samedi 8 janvier, date anniversaire de notre départ de Cherbourg en 2010 et sous un franc soleil, nous mettons le cap plein Est en vue de remonter vers Buzios. La route est longue car le vent de Nord-Est nous oblige à de longs bords de près sous 25 à 35 nœuds de vent et le bateau gîte ferme durant une trentaine d’heures sous deux ris et trinquette pour atteindre l’objectif. A l’occasion de cette nouvelle visite à Buzios, nous finissons par nous sentir un peu chez nous ; au Iate Clube tout d’abord où nous retrouvons le très cordial Almir, chez nos amis navigateurs Sylvia et Francis pour un dîner dans leur si charmant et délicieux restaurant « l’Escale », au Cigalon pour ses succulents capuccinos[1] (n’est-ce pas Catherine ?) et auprès de notre compatriote Brigitte qui marque immuablement nos fréquents passages sur la Orla Bardot. L’obstination -légendaire- de Luc nous vaut la visite d’un magnifique élevage d’oiseaux non ouvert au public et la magie d’un festival de couleurs décliné par une myriade de perroquets , perruches et toucans de toutes sortes et de toute beauté.
Notre venue nous vaut également la très improbable et intéressante rencontre avec Michel Balette auteur de notre bible brésilienne : ‘Le guide de navigation du Brésil’ édité chez Vagnon. Après avoir arpenté les côtes brésiliennes (et entrepris un grand périple terrestre en Amérique du Sud) durant huit années, Michel Balette a patiemment cumulé les informations destinées à tout un chacun : jolis mouillages, routes d’accès, conseils, cartes et schémas qui rendent la navigation si facile. Nous lui en sommes d’autant plus reconnaissants que sa démarche s’apparente à du pur bénévolat les premiers retours financiers sur la vente de son ouvrage se faisant a priori toujours attendre.
George et Sylvana dans leur pirogue
Le mardi 12 janvier, joli départ sous spi pour rejoindre Ilha Grande mais les 160 milles qui nous en séparent s’achèveront -comme prévu- au moteur, les vents étant chroniquement faibles ou inexistants à l’Ouest du magnifique Cabo Frio. Nous reprenons nos classiques avec plaisir : baie de los Mangues et ballade à la mythique plage de Lopes Mendès que nos trois nouveaux venus (ou revenu) parcourent aller et retour sans broncher en plein cagnard, visite chez Sylvana et George qui traversent le mouillage à la nage pour l’une, en pirogue pour l’autre, pour un amical petit pot à bord, mouillage à Abraao pour une baignade dans la cascade et une visite des ruines du lazaret, transfert vers la baie de Sitio Forte avec délicieuse dégustation de fruits de mer au Bacana’s bar, petit bistrot mouillé dans la baie dont nous sommes, à notre heure tardive d’arrivée, les uniques mais bienvenus clients, élégamment salués, pour notre plus grand plaisir, par un couple de tortues .
La pêche n’est que moyennement fructueuse mais nous permet grâce à l’embarquement de quatre jolies « caravelas » -sorte de petits thons- de compléter notre dégustation de produits marins.
Les nombreuses baignades s’accompagnent d’une intense période de carénage car les eaux chaudes -et sales- de la baie de Botafogo à Rio ont eu raison du beau travail de nettoyage réalisé en compagnie de Marie Ange, Thibaut et Guillaume au cours de la période précédente. Nous leur épargnerons le triste descriptif du spectacle sub-aquatique de notre Alioth que nous essayons tant bien que mal de débarrasser de ses multiples berniques avec l’appui efficace de François. Puis nous changeons d’univers pour la ville historique de Paraty[2] qui, construite par les francs-maçons, traduit de nombreux symboles de la confrérie. Visite d’expositions de « mascaras » à la « Casa Cultural » avant de reprendre la mer pour visiter les « fjords » du sud de Paraty. Le magnifique « Saco de Mamangua », impressionnant de calme et de solitude nous mène en annexe et en kayak dans le Rio Cairuçu qui nous offre une illusion amazonienne, le tout conclu par une rafraîchissante baignade en cascade particulièrement appréciable en cette journée où le thermomètre atteint 39°5 à l’ombre… Puis nous remontons vers le Saco de Paraty-Mirim et retrouvons notre mouillage du nord de l’Ilha da Cotia qu’à la nuit tombée, le mois précédent, le petit citadin Alexandre qualifiait «d’un petit peu inquiétant » tant le silence et l’obscurité y règnent de manière absolue.
Le lendemain matin, le bateau « Canto das Ostras » nous ouvre quelques spécimens de ses huîtresde palétuviers qui, très objectivement, ne valent pas la Saint-Vaastaise. Et c’est l’heure de reprendre la route pour un dernier mouillage à la Lagoa Azul (Ilha Grande) où nous nous régalons de belles heures de snorkelling.
Mouillage final le 20 janvier devant Angra dos Reis où Catherine et François -rouge comme un homard breton cuit à la perfection- vont reprendre en début d’après-midi la navette pour l’aéroport de Rio. Ces périodes de rupture sont toujours un peu nostalgiques d’autant que la journée du 21 est une journée techniquement éprouvante pour les Brothers mais à titre de consolation, nous levons l’ancre dès le samedi pour flirter une fois encore avec la belle Ilha Grande qui nous récompense, dans le Saco da Ponta, d’un micro port de pêche divin et d’une inattendue cascade que nous savourons avec bonheur.
Dimanche 23 janvier, le Team Alioth, pour la première fois en trio, part pour une boucle vers le sud du Brésil avant de remonter vers Angra dos Reis où Dominique et Arielle accueilleront à leur tour, à la mi-février, enfants et petits enfants : Margaux, Martin et Romane, dans l’impatience du départ, sembleraient avoir déjà bouclé leurs sacs…
Information 1 : les photos sont sur l’album AS 6 – Les Bretons s’en vont.
Information 2 : le système de tracking STW semble connaître quelques aléas depuis 15 j mais le Team Alioth n’est pas perdu en mer.
12 janvier 2011 – La tragédie de la Serra dos Orgaos
Au Brésil, le 1er janvier, Dilma Roussef prend très officiellement, à Brasilia, les rênes du pays mais dès le 12 janvier, la toute nouvelle Présidente est mise à rude épreuve : les spectaculaires montagnes de la « Serra dos Orgaos » -« Chaîne des Orgues »- qui se dressent au nord de Rio à 2000m d’altitude connaissent un drame majeur qui bouleverse tout le Brésil. Une gigantesque coulée de boue due à des pluies torrentielles a dévasté les villes historiques de Petropolis, Teresopolis et Nova Friburgo faisant près de 800 morts, 400 disparus et quelque 20000 sans-abri. Le bilan est d’autant plus lourd que le drame est survenu en pleine période de vacances, dans une région hautement touristique.
L’été, l’air chaud et humide qui s’évapore de la zone Amazonienne s’agglomère en cumulo-nimbus qui, poussés par les vents, se déchargent sur la région du Sud-Est. C’est là un phénomène saisonnier et habituel mais ce 12 janvier, le déluge d’eau a atteint des proportions colossales. La topographie des lieux contraignant l’eau à s’écouler massivement dans des goulets étroits entre les masses rocheuses, d’énormes volumes d’eau se déversent à la source des rios Cuiaba, Paqueque et Bengalas. Et ce sont des cascades d’une extrême violence qui descendent des montagnes sur une pente à 90° emportant des dizaines de tonnes de troncs d’arbres et de détritus et formant des avalanches de boue qui emportent tout sur leur passage.
Le thème des changements climatiques est bien sûr à l’ordre du jour du même que celui de la responsabilité des politiques accusés de tolérer les occupations irrégulières du sol.
Faut-il ajouter qu’au très lourd bilan humain s’ajoute celui des animaux, dont notamment les nombreux pur-sang qui faisaient la fierté des éleveurs de la région, des maisons emportées par la coulée mortelle, des centres historiques dévastés des trois belles villes de :
- Petropolis que la famille impériale choisit pour villégiature d’été au XIXème siècle afin de fuir la chaleur étouffante de Rio l’été,
- Teresopolis qui fut choisie par l’Impératrice Teresa comme lieu de résidence estival. Teresopolis est la ville la plus haute de l’Etat de Rio, nichée dans les orgues de la Serra dos Orgaos,
- et Nova Friburgo, née en 1818 de la volonté du roi du Portugal Joao VI, de peupler le Brésil d’immigrants suisses et allemands. Les 30 premières familles originaires du canton suisse de Fribourg fondèrent dans les montagnes du nord de Rio, un petit village à l’image de leur terre natale…
[1] NDLR : les adresses de caipirinha et leurs notes d’évaluation respectives sont trop nombreuses et complexes pour figurer dans le présent blog. Elles nécessiteraient un guide spécifique que l’auteure de ces lignes regrette de ne pas être en capacité d’entreprendre.
[2] Le paraty (ou parati) est le nom d’une espèce d’oiseau