Nos adieux émus à Salvador se fêtent par un savoureux dîner (merci Zabeth !) de spécialités bahianaises au Senac, la très réputée école hôtelière confortablement logée dans une belle maison coloniale voisine de la fondation Jorge Amado. Nous partons le 27 octobre rejoindre Rio, distante d’un peu plus de 800 milles, et disposons de trois semaines avant l’échéance du chasser croisé du 18 novembre qui verra s’envoler Dominique de Rio pour Paris et atterrir nos nouveaux co-équipiers Annie et Philippe.
Ce seront trois semaines de découvertes et de rencontres délicieuses, contrastées et surprenantes qui débuteront par l’île de Tinharé, la baie de Camamu, le petit village maritime de Caravelas pour se poursuivre par le parc national de l’archipel des Abrolhos puis l’élégante station balnéaire et nautique de Buzios avant de se conclure par une entrée très attendue dans la baie de Rio.
Ile de Tinahré et baie de Camamu nous replongent dans une ambiance de cabotage moteur entre petits villages isolés, souvent d’un autre temps, dans des paysages de larges rivières ou baies aux rivages somptueux. Les récentes stations balnéaires de Morro de Sao Paulo (nord de l’île de Tinharé) ou de Barra Grande (Baie de Camamu) font exception à cette atmosphère délicieusement anachronique et dévoilent un tourisme agréablement maîtrisé. Les grandes fresques animalières de Marau, les cascades de Tremembé, mais aussi les petits marchés et les histoires locales font la saveur de nos déplacements terrestres.
Morro de Sao Paulo
Partout la même gentillesse des habitants pour nous guider et nous accueillir : la simplicité des rapports humains fait partie de nos petits bonheurs quotidiens. Ces lieux un peu égarés sont aussi source de micro aventures : une promenade à pied supposée séparer de quelques petits kilomètres Gamboa de Barra Grange (Baie de Camamu) se transforme, du fait du tracé insoupçonné de la piste, en parcours pédestre de plus de deux heures en plein cagnard ; notre annexe à la recherche fébrile des belles cascades de Tremembé sur le rio Marau perd un chemin qu’elle n’aurait su retrouver sans l’aide de Carlio, un très secourable pêcheur miraculeusement découvert au milieu d’un désert fluvial et végétal ; le voyage en bus de Marau à Camamu, une aventure à lui tout seul, nous vaut un lever à 4h30 du matin compensé par une heureuse découverte des paysages intérieurs dont des exploitations d’hévéas que nous pensions d’une époque révolue.
Pendant ce temps Dilma Roussef, comme attendu, a emporté les élections. Nous n’en apprendrons les détails qu’à l’appui d’une recherche sur un site de presse français : les kiosques à journaux n’existent au Brésil que dans les grandes villes. Le plus « gros » journal brésilien « O Globo » ne tire qu’à 300 000 exemplaires… La presse écrite ne fait pas partie de la culture brésilienne, pas plus que la lecture de façon générale, et dans le pays les librairies sont une étonnante rareté commerciale.
Et puis c’est un retour très apprécié en mer et à la voile pour rejoindre Caravelas, base d’accès aux Abrolhos. L’accès à ce petit port bénéficie, au milieu d’énormes bancs de sable, d’un chenal assez large, bien balisé mais très peu profond qui permet à des barges à fond plat et à hauts francs bords de venir charger du bois à l’aide d’énormes engins de manutention qui semblent brasser les troncs comme des allumettes. Plus haut sur la rivière, le petit port de pêche est extraordinairement actif et l’entretien des navires réalisés dans des sortes de forme constituées de pieux de bois qui jalonnent la rive est une curiosité. Grâce à la gentillesse des habitants nous dégusterons des produits très locaux : petits poissons -non identifiés- accompagnés de chu-chu (christophines), jaka (fruit dont le goût oscille entre banane et ananas) et gaiamus, les petits crabes bleus qui vivent dans l’omniprésente mangrove.
Caravelas
Le passage aux Abrolhos est un moment rare. Dans ce lieu hautement protégé, quelque 2000 baleines viennent donner chaque année naissance à leurs baleineaux entre mai et septembre. Elles sont extrêmement désertiques et pour certaines étonnamment coiffées de quelques rares palmiers. Une base de la Marine Nationale a pris pied sur Santa Barbara, la plus grande des cinq îles, ainsi que l’IBAMA, l’institution environnementale nationale qui gère le site. Descente à terre et plongée bouteille interdites mais baignades et masque et tuba à volonté.
Le nom des Abrolhos vient de l’expression «Abra los oyos » (ouvre les yeux), mention que les Espagnols faisaient figurer autrefois sur les cartes marines pour attirer la vigilance des navigateurs sur certains dangers. Et si nous avons bien naturellement ouvert nos yeux pour aborder l’archipel, nous n’avons pas manqué de le faire également pour découvrir les espèces rares d’oiseaux, rois de ce site, pour nous délecter des fonds marins de toute beauté et pour observer le ballet lent et majestueux des baleines orchestré à quelques milles plus au sud.
A noter qu’à côté de ces beautés de la nature, les côtes brésiliennes présentent un avantage de taille au navigateur, Petrobras y ayant installé tous les 100 milles une station d’extraction pétrolière. D’ici peu, et sous réserve d’une politique marketing un peu affinée, les bateaux pourront y faire halte pour s’approvisionner en carburant, café ou crème glacée. En tout état de cause, constatant notre grande ignorance sur ces monstres métalliques qui jalonnent notre parcours, nous nous promettons de fréquenter plus assidûment l’Académie de Marine pour y écouter les conférences de notre ami Jean dont la plate-forme pétrolière est le grand sujet d’expertise.
Des Abrolhos à Buzios, nous vivrons 24h de pur bonheur nautique sous spi, vent et soleil suivies de 24h plus inconfortables de temps dépressionnaire au près justifiant une recherche active et inusitée de quelques cirés et polaires ; le vent vire en effet progressivement de 240° en basculant de 50° à 190° par le nord obligeant à une navigation attentive et hautement maîtrisée par Dominique, skipper de la semaine. Le jour de l’Armistice nous offre un très bel atterrissage sur Buzios cerné de magnifiques îles et caps, dont nous apprenons qu’ils sont la mémoire des sommets de la très haute chaîne de montagne qui soudait les futurs Amérique du Sud et Afrique à l’époque du Gondwana.
Triste époque où l’Atlantique n’existait pas…
Le mouillage de Buzios a le charme des lieux où l’on aime s’attarder ce que nous ferons pendant quelques jours malgré un temps gris et humide. Le Iate Club Armaçao de Buzios, base d’entraînement olympique, est aussi chaleureux que magnifique. Il est géré par le très accueillant Armil, par ailleurs manager d’un groupe de samba que nous écouterons en live sur le terrain de football le samedi soir. Le Commodore, le français Alain Jouillé, grand nom du monde de la voile brésilienne, et sa femme Vera, brésilienne au français remarquable, nous accueillent de manière délicieuse dans leur club qu’ils qualifient joliment ‘d’oasis au milieu du paradis’.
En compagnie de Brigitte Bardot
Un couple de navigateurs français, Sylvia et Francis, a de son côté posé l’ancre à Buzios pour ‘refaire sa cagnotte’ et ouvert un charmant restaurant l’Escale en attendant très impatiemment de reprendre la mer. Côté français, on ne peut omettre de citer enfin notre concitoyenne Brigitte Bardot qui fit beaucoup pour la réputation de Buzios qu’elle fréquenta généreusement dans les années 60 du fait de quelque relation amoureuse brésilienne. Une statue en bronze de la star sur la ‘Orla Brigitte Bardot’ en marque le souvenir.
Côté moins fun, les petites galères techniques du bord forment, sur un bateau aussi équipé, un continuum inévitable que nous apprenons à vivre avec philosophie. L’actualité se cristallise autour d’une panne de notre centrale EDF et d’une défaillance de notre station d’épuration d’eau de mer ; quant au gréement, il montre un peu de lassitude du côté du hale-bas et il nous faudra également trouver des solutions de son côté. En ce qui concerne les moments festifs, nous n’avons bien sûr pas manqué :
- le 1er novembre, date anniversaire d’Elisabeth, pour lesquels les deux frérots se sont surpassés, l’un en extrayant de la mer une superbe thonine, l’autre en excellant dans la réalisation de son gâteau fétiche. Les cadeaux s’adapteront au contexte : une heure de perfectionnement à la navigation électronique et deux heures de formation à la barre sous spi par 20 nœuds de vent.
- le 11 novembre la dégustation de notre magnifique 3ème poisson caméléon -daurade coryphène- cuisinée avec attention en hommage à la patience et à l’énergie déployées par le grand pêcheur du bord.
- le 15 novembre, fête nationale brésilienne, que nous irons fêter ce soir à l'Escale avant partir dans la nuit pour Rio.
Dominique va laisser un grand vide en nous quittant pour passer la fin d’année en France. Elisabeth, Annie et Philippe nous feront en revanche le grand plaisir de partager la vie du bord jusqu’à début décembre. Quant à la deuxième quinzaine du même mois, elle donnera l’occasion à Christiane et Luc la joie d’accueillir Guillaume, Marie-Ange et Thibaut accompagnés des prometteurs moussaillons Alexandre et Raphaël.
Pendant ce temps, nous apprenons que la tempête fait rage en France et que François Fillon s’exerce à un nouveau gouvernement... Toutes nos pensées et nos amitiés à vous tous.
PS : les photos correspondant à cet article figurent dans l'album AS3 - Salvador de Bahia - Rio