Nous voici donc solidement rattachés par quelques mètres de cordage au célèbre caillou volcanique qui émerge à mi-route entre côtes africaines et américaines. Il fut découvert, à son retour des Indes, par le Portugais Joao da Noval en 1502. Les Anglais en prirent possession en 1659, se le firent ravir quelque temps par les Hollandais pour le reconquérir et le placer sous contrat de l’East Indian Company jusqu’en 1834. Depuis lors, l’île est directement administrée par la couronne britannique ainsi que ses deux dépendances, Ascension à plus de 700 milles au nord-ouest et Tristan da Cunha à 1500 milles au sud-ouest. Il ne manque plus à ce trio que le domaine des Falklands/Malvinas pour se faire une petite idée des positions judicieusement établies par nos amis Britanniques en Atlantique sud.
Au milieu d’une flottille d’une douzaine de bateaux, nous sommes amarrés à l’une de ces bonnes grosses tonnes mises à la disposition des plaisanciers devant Jamestown, le seul port de la seule ville de Sainte-Hélène. L’île qui servait de point de ravitaillement sur les routes maritimes de l’Orient a connu ses heures de prospérité jusqu’à l’ouverture du canal de Suez. Ses heures de gloire, elle les doit bien sûr à l’exil de Napoléon, de 1815 à sa mort en 1821, elle-même suivie de son rapatriement en France en 1840. Ses heures sombres sont sans aucun doute celles des camps de concentration qui « accueillirent » des prisonniers par milliers au cours du conflit anglo-boers. L’ouverture très attendue de l’aéroport à la fin de l’année sonnera, quant à elle, l’heure de l’ouverture au monde contemporain.
Trois journées seront bien courtes mais paradoxalement suffisantes pour découvrir l’essentiel de l’île. Accueil exemplaire par les autorités locales, formalités menées le dimanche en un tour de main, déambulation dans les rues de Jamestown, QG internet établi au Consulate -l’hôtel de charme de la ville-, incontournable visite du petit musée local, randonnée de remise en forme avant de reprendre la mer. Notons l’agrément des échanges et connaissances qui se nouent avec les autres équipages à bord du bateau navette qui nous mène à terre. Ajoutons enfin un petit réajustement d’approvisionnement qui nous vaut quelques déambulations entre l’échoppe de fruits et légumes locaux et les diverses épiceries qui, comme les tavernes, semblent sortir tout droit de la Grande- Bretagne du milieu du siècle dernier. Comme ses consœurs isolées, Sainte Hélène n’échappe pas aux rigueurs de l’éloignement. Rareté des produits et pauvreté de l’achalandage y contrastent singulièrement avec l’abondance qui sature nos contrées.
Nous avons réservé pour notre dernière journée, c'est-à-dire aujourd’hui même, un tour de l’île aux allures impériales. C’est pour nous l’occasion de fouler un peu de territoire français puisque Napoléon III acheta à la reine Victoria la vallée du Tombeau et la maison de Longwood, lieu de résidence de l’empereur déchu et de sa mini-cours impériale[1]. Si on y ajoute la ferme des Briars qui accueillit les exilés français lors de leur arrivée et qui fut offerte par la Grande-Bretagne à la France en 1959, les « Domaines Français de Sainte-Hélène » représentent une superficie totale de 14,7 ha. Un agent du ministère des affaires étrangères joue sur place le double rôle de conservateur du musée de Longwood House et de consul honoraire de France.
A l’exception de quelques photos que je pourrai éventuellement joindre au retour de Dominique et Luc, je ne vous en dirai guère plus sur le sujet car la dent que j’ai toujours eue contre Napoléon s’est singulièrement retournée contre moi. Après une dizaine de jours de traitement et de tergiversations, j’ai dû substituer à ma visite impériale une visite hospitalière pour une extraction dentaire qui s’imposait dans le contexte de notre longue navigation et de notre courte escale à la Guadeloupe. Tout en ayant sur le fauteuil une pensée pour ma dentiste favorite, je suis restée admirative de la qualité d’accueil et des soins qui m’ont été appor