Notre séjour en Afrique du Sud se résume à dix jours de tranquille remise en route à la marina V&A Waterfront, dix jours de tourisme dans la province de Western Cape et dix jours de travaux et de préparation de départ au Royal Cape Yacht Club.
Nous sommes actuellement dans la dernière phase de notre vie sud-africaine : la période de carénage nous a valu quelques émotions (poids limite du bateau pour la grue et longueur limite pour le terre-plein, aggravés d’une pratique locale du just in time qui frise l’exercice de style…). La station sur ber n’est pas du meilleur confort pour notre cher Alioth qui, piquant un peu du nez et gîtant légèrement sur tribord, se fait de plus harceler par les williwaws dévalant en chute libre des hauteurs de la montagne de la Table. Mais, pour la sortie sur le terre-plein, l’équipe du RCYC, qui enregistrait là son record de grutage, a exécuté sa mission avec beaucoup de compétence et d’application. La voilerie North Sails a, de son côté, produit un excellent travail : spi flambant neuf et garde robe entièrement révisée. Le Cap est le lieu où se refaire faire une toilette sur la route du tour du monde. Enfin, pour la faire courte sur ce sujet répétitif, grand bien nous a pris de faire faire le carénage par une entreprise locale car la coque, couverte d’envahissantes berniques, a nécessité de longues heures de karcher et de ponceuse électrique.
Côté tourisme, nous nous sommes très agréablement laissé guider par un programme tout spécialement concocté par Elisabeth et Jean-François que nous avions eu le plaisir de retrouver au Cap l’an dernier. Au gré des jours, se sont enchaînés randonnées ardues et douceurs de la route des vins, paysages tourmentés et jardins enchanteurs, manoirs huguenots et townships, vue côté mer ou côté montagne, sans oublier un hommage au grand Bartelemo Dias, découvreur du Cap des Tempêtes/’Espérance. Diversité, découverte et rencontres furent au rendez-vous et d’étape en étape, nous n’étions plus si éloignés de Port Elizabeth qui fut notre port d’entrée en novembre dernier.
Ce périple, enrichi de littérature locale, nous a permis de progresser dans notre appréhension de l’univers sud africain qui ne cesse de nous troubler par ses extrêmes, ses blocages et sa complexité. Une revendication de rentrée universitaire apparemment symbolique -la demande par les étudiants de l’Université de CapeTown de la suppression du campus de la statue de Cecil Rhodes- a pris en quelques jours une ampleur considérable et gagné l’ensemble des universités du pays. Le corps professoral s’est joint au mouvement étudiant pour que cesse la ségrégation rampante ressentie au quotidien par le monde de l’enseignement supérieur. L’apartheid a changé de champ : sorti du contexte politique, il poursuit sa course sous forme d’une différentiation sociale extrêmement marquée et nous ne pouvons que souhaiter un avenir meilleur à ce peuple qui mérite d’autres horizons.
Côté bateaux, le RCYC, qui souffre un peu de son éloignement du centre ville, offre en revanche une vraie vie de club. Surprise : nous y rencontrons Francine et François (Yovo) et Armelle et Jean-Pierre (Alibi, un bateau qui a connu les quais du port du Havre) après avoir, quelques jours plus tôt, fait connaissance en touristes lambda sur la lagune de Knysna. L’admiraler Corum fait la fierté du club mais c’est aux confins des montagnes que nous avons rencontré Darty, un de ses copropriétaires au CV nautique tout à fait impressionnant. C’est aussi dans ce lieu hors du monde, à Groenfontein, que nous avons fait connaissance de Tim, un amoureux de calvados, auquel nous avons promis d’ici peu, grâce à la complicité logistique de Dominique, un petit flacon de notre bon nectar normand. Ici, comme partout ailleurs, les amis de nos amis sont nos amis et, samedi, nous devrions passer la soirée avec Louise et Peter des amis sud-africains d’Anne et Alain (Uhambo) qui ont eux-mêmes vécu au Cap durant plusieurs années. Et puisque nous parlons d’eux, précisons qu’Anne et Alain partiront en principe à la mi-avril de Nouvelle-Zélande pour le Vanuatu dont nous avons appris avec tristesse qu’il avait été très durement frappé par le cyclone Pam[1] il y a quelques semaines.
Dominique qui semble boucler en France un programme chargé, nous rejoindra à bord le 29 mars. Il aura le plaisir de participer à la remise à l’eau qui, prévue ce jour, a été reportée à lundi matin pour cause de vents de 35 noeuds.
Un peu de déception dans ce départ maintenant très proche puisque nous espérions depuis de longs mois la compagnie de notre « vieil » ami Laurent B. du Cap à la Guadeloupe. Mais les petites mesquineries de la vie, toujours si productives en contraintes et obligations, ont eu raison de son désir de rejoindre Alioth. Nous regretterons tant l’excellent marin que le bon compagnon de route… et reprendrons à trois notre cheminement nautique qui devrait nous guider, dans un premier temps, vers Sainte-Hélène.
Sous réserve que le bateau soit prêt et que le temps le permette, le 1er avril devrait nous projeter out of Africa.
[1] Anne m’a appris qu’à la suite de revendications féministes, les noms de cyclones jusqu’alors exclusivement féminins sont dorénavant alternativement masculins et féminins. Je salue la justesse de cette mesure tout en pensant que les champs de l’égalité sont décidément incommensurables.
NB : la prise en main du blog sur sa nouvelle plate-forme se fait un peu à tâtons... L'imbrication des photos dans le texte est plus compliquée qu'avant : j'ai donc séparé les deux mais essaierai de mieux faire la prochaine fois...